Le président Coquerel a livré de la résilience relative de l'économie française en 2023 une explication que je respecte, mais personne n'est en mesure d'expliquer ce qui s'est passé au deuxième trimestre 2023. Tirer une interprétation générale et systémique de ce phénomène intervenu entre une tendance assez plate au premier trimestre et un ralentissement au troisième et au quatrième trimestres, me paraît audacieux, et je ne m'en sens pas capable.
Les mesures de soutien ont, certes, contribué à préserver le pouvoir d'achat des ménages, mais la consommation de ces derniers, qui a reculé de 0,2 % en 2023, n'a pas été le moteur de la croissance ; celle-ci a plutôt reposé sur l'investissement et les exportations. Peut-être y a-t-il eu un phénomène exportation ; en tout cas, quelque chose s'est passé, qui est un isolat. Peut-être est-ce une conséquence structurelle, la France a été moins handicapée que l'Allemagne par sa moindre exposition au gaz russe et aux marchés mondiaux. Tout cela ne me paraît pas être en lien direct avec la dépense. Il existe toujours de bons motifs de ne pas toucher à la dépense, mais nous sommes restés en croissance positive.
Enfin, assimiler les choix qui seraient faits cette année à de l'austérité n'aurait pas grand sens : notre pays n'a pas voté un budget en équilibre depuis cinquante ans et nonobstant les choix qui seront faits, la dépense continuera de croître dans la plupart des départements ministériels. Nous atteindrons encore le niveau de 55,9 % de dépenses publiques dans le PIB – si c'est cela l'austérité… La dépense publique par habitant est de 28 % supérieure à ce qu'elle était en 2000. La France ne sort pas vraiment de vingt années d'austérité et elle n'y est toujours pas entrée – nous ne le préconisons en rien.
Monsieur le rapporteur général, je suis un peu embarrassé par vos questions parce qu'au fond, nos analyses convergent. Il ne faut pas faire dire au HCFP ce qu'il ne dit pas. Le HCFP se fonde sur les prévisions qu'on lui donne, celles du Gouvernement et celles des autres, pour faire des raisonnements économiques. Son rôle n'est pas de faire des préconisations de politique publique. Il ne porte pas de jugement sur ce que fait le Gouvernement ; il fournit les bases du débat. Celles-ci sont toujours objectives et si elles déplaisent, c'est involontaire. Ce sont les analyses d'un cénacle pluraliste, dont les membres ont des opinions diverses.
Nous considérons que la prévision de croissance est élevée. Elle l'est. Elle est plus élevée que celles du consensus des économistes et de la Banque de France, plus élevée, en réalité, que celles de tout le monde. C'est un fait. Il arrive que ce soit démenti, comme cela a été le cas en 2023, ce n'est pas pour autant que la prévision est erronée. Je souhaite constater, en 2024, que les résultats sont meilleurs que prévu. Du point de vue des mécanismes économiques, ce qui nous fait penser que la prévision est élevée, c'est que pour la totalité des postes de demande – consommation, investissement, exportations –, le Gouvernement est plus optimiste que les organismes auditionnés par le Haut Conseil. Notamment, il suppose que le durcissement des conditions de crédit a produit l'essentiel de ses effets, en particulier sur l'investissement des ménages, ce qui est une hypothèse favorable. Comment faire baisser l'épargne, je ne le sais pas, mais la question me semble plutôt de savoir comment vous arrivez à une hypothèse de baisse du taux d'épargne aussi optimiste et qui ne repose pas sur des comportements observables.
L'avis est balancé. Nous ne disons pas que la prévision de croissance est insincère ou irréaliste ; elle est atteignable. Elle n'est pas hors de portée pourvu que toutes les hypothèses très favorables se cumulent. Cela peut arriver et c'est pourquoi nous nous gardons de toute caricature. Mais il faut vraiment que les planètes s'alignent.
De la même façon, nous considérons que le déficit est optimiste mais pas inatteignable. Nous n'avons pas chiffré ce que serait le dépassement. Il ne serait peut-être pas considérable. Simplement, j'observe qu'un ralentissement pour atteindre 4,4 % de déficit serait déjà assez faible comparé à nos engagements européens, d'où la nécessité d'être vigilant. Tel est le message du HCFP, ni plus ni moins.