Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mercredi 27 septembre 2023 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, président :

Vous estimez que la prévision de croissance pour 2024, même si elle a été récemment baissée par le Gouvernement de 1,6 à 1,4 %, reste élevée face à celles de la Banque de France, de 0,9 %, et du consensus des économistes, de 0,8 %. Bruno Le Maire fait régulièrement remarquer que les prévisions des mêmes économistes étaient plus pessimistes que le résultat attendu pour la fin de l'année. Pour ma part, je considère que le maintien de la croissance en France est peut-être lié à l'importance des dépenses publiques dans notre pays. En période de reflux, c'est un élément plutôt positif pour maintenir une activité économique, et cela explique pourquoi la France n'était pas entrée en récession après la crise des subprimes. J'y vois l'une des raisons d'un non-dit que vous relevez : la baisse pérenne des dépenses publiques, de 12 milliards d'euros, est finalement annoncée pour 2025 dans la LPFP, sans être documentée et, pour 2024, le Gouvernement se garde bien de procéder à une telle baisse – quand il y a une récession en Allemagne et quand un reflux de l'économie s'annonce en Chine, ce n'est pas le moment de baisser les dépenses publiques. Mais on ne le reconnaît pas et on propose une cote mal taillée.

Peut-être aussi que les prévisions de croissance du Gouvernement sont plus élevées que les autres à cause d'une vision du pouvoir d'achat des Français faussée par un raisonnement en moyennes. En se fondant sur une hausse de 1,8 % de la consommation soutenue par une hausse du pouvoir d'achat de 1,3 %, le Gouvernement ne tient pas compte des profondes inégalités parmi les ménages. Depuis fin 2021, la consommation en volume de produits agricoles et de produits agroalimentaires a baissé respectivement de 10,2 % et 11,6 % mais ces baisses ne touchent pas indifféremment toutes les catégories sociales, et l'augmentation du pouvoir d'achat est plus forte pour les plus riches, en particulier ceux qui perçoivent des revenus du capital – les dividendes et intérêts nets reçus par les ménages ont en effet augmenté de 4,2 % au deuxième trimestre 2023. En se reposant sur des moyennes, on ne voit pas que ce phénomène touchant la consommation est très largement porté par ceux de nos concitoyens qui n'ont pas ces moyens pour vivre et sont frappés par la crise. Pour moi, l'explication de la distorsion est là. Qu'en pensez-vous ?

Par ailleurs, la diminution du taux d'épargne de 0,4 % me laisse sceptique, alors que les Français, en particulier les plus populaires qui disposent malgré tout d'une petite épargne, commencent à y puiser pour faire face à la hausse des prix.

Enfin, vous considérez que les dépenses pourraient s'avérer plus élevées que prévu compte tenu du coût des dispositifs énergétiques et des dépenses de santé. D'ailleurs, en même temps qu'on annonce la fin du bouclier énergétique, le chef de l'État annonce un chèque carburant pour une grande partie des Français, reconnaissant ainsi que l'inflation continue à sévir sur le marché énergétique. Il serait également temps de comprendre qu'elle est davantage liée aux marges des entreprises qu'à l'organisation du secteur énergétique dans le monde.

Pour toutes ces raisons, je suis assez d'accord avec votre prudence et votre avis. Prenons date, je pense qu'à la fin 2024, le déficit sera plus élevé qu'annoncé par le Gouvernement, parce que la réalité rattrapera le budget.

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