Ces questions sont très importantes, mais elles m'écrasent et dépassent de très loin mes capacités et le mandat qui m'a été donné dans le cadre de cette audition.
D'une manière assez brutale, on pourrait considérer que le bilan est très mauvais, puisqu'il n'y a pas eu de réduction et que l'objectif n'a pas du tout été atteint, mais il est, en réalité, mitigé, parce que l'ambiance a changé et que, dans le monde agricole et dans le système de recherche et développement agronomique – qu'il s'agisse de l'enseignement, de la recherche ou des instituts –, on ne parle plus de cette question de la même façon qu'en 2008.
Pour revenir sur le commentaire que je faisais dans le prolongement de la discussion que nous avons eue avec M. de Fournas, on observe aujourd'hui, même si elle est suivie de nombreuses divergences, une prise de conscience de la nécessité de sortir des pesticides, parce que nous n'avons pas le choix et que c'est là une condition de durabilité de l'agriculture. Les parties prenantes ne sont pas d'accord sur la vitesse à laquelle il faut en sortir ni sur la manière dont il faut le faire, et certains considèrent que leur intérêt ou celui de l'agriculture française est que cela dure le plus longtemps possible. Mais je ne crois pas qu'au fond de soi, quiconque en doute, au vu notamment des indices que j'ai évoqués, comme le flétrissement de l'innovation phytosanitaire. C'en est fini, en effet, dans ce domaine : si l'innovation est très importante dans le domaine des semences et du biocontrôle, voilà une éternité qu'on n'a pas découvert de nouveaux modes d'action dans le domaine chimique, et les coûts d'innovation sont devenus énormes. Il n'y a pas d'avenir de ce côté-là. Si donc, je le répète, le bilan est mitigé, c'est parce que l'ambiance a changé.
La formation dans les lycées agricoles a énormément changé depuis dix ou vingt ans, avec une forte élévation du niveau de qualité en agronomie. La formation sur les pesticides actuellement dispensée aux jeunes dans ces lycées, au niveau par exemple du bac agricole ou du brevet de technicien supérieur (BTS), leur donne le bagage nécessaire pour assumer les changements à venir.
Pour ce qui concerne les agriculteurs eux-mêmes, on me dit que le certificat individuel de produits phytopharmaceutiques (Certiphyto) n'est pas à la hauteur – je parle ici sous le contrôle de ceux d'entre vous qui sont agriculteurs ou viennent du milieu agricole. Un sursaut est nécessaire en la matière, et c'est là un point que vous examinerez peut-être.
En matière de recherche, des collègues chercheurs avec qui je discutais aujourd'hui encore pour mieux préparer cette audition m'ont confirmé que les montants des financements destinés à la recherche et au développement visant à la réduction de l'usage des phytosanitaires avaient encore progressé d'un facteur 10 grâce au plan Écophyto et à son retentissement sur l'Agence nationale de la recherche, laquelle a pris des initiatives en la matière, et sur les organismes tels que l'Inrae. De fait, la quantité et l'intérêt des travaux menés à l'Inrae depuis que j'en suis sorti ont énormément évolué dans le sens de ces orientations.