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Intervention de Jean Boiffin

Réunion du mercredi 6 septembre 2023 à 14h15
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Jean Boiffin, ingénieur agronome, directeur de recherche honoraire à l'Inra :

Vous avez raison de souligner l'importance des unités de mesure. Je croyais que le Nodu avait fait l'objet d'un certain consensus et je conçois que les substitutions que vous évoquez puissent entraîner des augmentations, par exemple, de l'IFT. Cependant, la présentation des résultats de Dephy distingue la part des IFT correspondant aux biocontrôles. Le soufre étant un produit de biocontrôle, vous serez alors blanchi, monsieur de Fournas, et votre indice sera bien meilleur, car votre IFT, hors biocontrôle, baissera beaucoup. Ces questions d'indices sont toutefois compliquées et délicates, et il faut se mettre d'accord – mais je croyais que c'était à peu près le cas.

Quant à la réduction de 50 % du recours aux pesticides, il ne s'agit que d'un slogan, qui n'a contraint ni étranglé personne. Par ailleurs, la réduction de la dépendance aux pesticides a été considérée par tous comme un enjeu de durabilité de l'agriculture. Si on observe l'évolution de la disponibilité des produits phytosanitaires, on constate qu'elle dégringole – chacun pourrait parier, indépendamment de sa profession et de ses intérêts, sur cette dégringolade et sur le fait que des fournées entières de retraits se préparent, qui concerneront dans peu de temps 50 % ou 70 % des usages. Tout le monde le sait, et les dirigeants des filières agroalimentaires disent en aparté – certes pas dans les assemblées générales – qu'il faut sortir des pesticides.

L'adoption de la baisse de 50 % à l'échelle européenne – même si cela dépend des systèmes d'indices retenus – pourrait régler le gros problème de distorsion de concurrence dont nous nous plaignons. Le fait d'avoir anticipé, de nous être fixé ces objectifs et de disposer du réseau Dephy et de tout l'effort de recherche et développement entrepris depuis le début des années 2000 et amplifié depuis – avec un nouveau changement d'ordre de grandeur depuis 2014 – deviendra un avantage compétitif important.

Il s'agit d'un enjeu de durabilité dans le domaine de la santé. Les grandes cohortes, comme Agrican, ne cesseront pas de produire des résultats et de faire apparaître des surcroîts inattendus de prévalence de pesticides, que les systèmes d'évaluation ex ante ne permettaient pas de prédire. Ce sera encore, qu'on le veuille ou non, un autre facteur de retrait.

Enfin, les salariés accepteront de moins en moins de dépendre des produits phytosanitaires. Sans doute constatez-vous qu'ils sont de plus en plus exigeants en la matière – les agriculteurs eux-mêmes aussi, du reste. La question est donc moins celle du chiffre même de moins 50 % que celle de la durabilité de l'agriculture qui implique la réduction de la dépendance aux pesticides. En effet, face à cette évolution, l'innovation issue de l'agro-industrie est très poussive et, sur des échelles de temps importantes, il entre dix ou cent fois moins de produits nouveaux sur le marché qu'il n'en sort, car on ne découvre pas de nouveaux modes d'action et l'innovation phytosanitaire est très coûteuse. Quoi qu'on en pense, on peut donc prévoir la tendance.

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