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Intervention de Grégoire de Fournas

Réunion du mercredi 6 septembre 2023 à 14h15
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGrégoire de Fournas :

Je souhaite revenir sur les unités de mesure, car comment pourrions-nous évaluer l'insuffisance de la réduction de l'usage des produits phytosanitaires si l'on n'est pas capable de se mettre d'accord sur la manière de la calculer ? Le Nodu est, si j'ai bien compris, le regroupement, à l'échelle nationale, des IFT de chaque exploitation.

Permettez-moi de vous livrer mon expérience de viticulteur dans le Bordelais : lorsque j'ai fait le choix de sortir des CMR – substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction –, j'ai dû les remplacer par des produits conventionnels moins efficaces, qu'il a fallu compléter d'un biocontrôle employé à deux tiers de dose, ce qui se traduisait déjà par un IFT de 1,63, contre 1 pour le CMR, avec en outre une rémanence de dix jours au lieu de quatorze, ce qui supposait une utilisation plus fréquente. Je n'ai pas fait le calcul, mais il est clair que ce processus plombe l'IFT.

L'impossibilité de se mettre d'accord sur les mesures complique la réduction de l'utilisation des phytosanitaires, et la question du tonnage est encore plus catastrophique. Il importe cependant d'en parler, car des articles de presse affirment que dans mon département de la Gironde, qui est le plus gros consommateur de produits phytosanitaires, les tonnages de ces produits « explosent ». Or c'est inévitable lorsqu'on remplace un CMR conventionnel, utilisé parfois à raison de 200 grammes à l'hectare, par du soufre, dont il faut employer 8 kilogrammes à l'hectare.

J'en viens à ma question : lorsque le Grenelle décide de réduire de 50 % le recours aux phytosanitaires, sur quel fondement cela repose-t-il ? Je note d'ailleurs que le titre de cette commission d'enquête est assez subtil, puisqu'il se réfère aux impacts, qui sont peut-être la vraie question, sachant qu'on ne peut mesurer le recours ni avec les Nodu ni avec le tonnage. Ce chiffre de 50 % me fait penser à celui, également de 50 %, qui devait définir la part du nucléaire dans la production d'électricité française et dont nous avons vu, dans une autre commission d'enquête, qu'il avait été décidé sur le coin d'une table, avec des conséquences catastrophiques en termes de souveraineté énergétique.

D'ailleurs, la souveraineté alimentaire est également un enjeu et elle est, elle aussi, dans une situation catastrophique. En décidant de réduire le recours aux phytosanitaires, on décide de priver les agriculteurs d'outils de production – car on n'utilise pas les phytosanitaires pour se faire plaisir, mais pour garantir des récoltes. On dégrade ainsi la compétitivité des exploitations tout en mettant en péril la production au niveau national : comment cette ambition, très belle sur le papier, est-elle compatible avec la préservation de la souveraineté alimentaire, qui n'était peut-être pas un enjeu au moment du Grenelle, mais qui l'est bien davantage aujourd'hui, depuis le début de la guerre en Ukraine ? Une prise de conscience s'impose.

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