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Intervention de Emmanuelle Drab-Sommesous

Réunion du mercredi 6 septembre 2023 à 14h15
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Emmanuelle Drab-Sommesous :

La présence des pesticides dans l'air est liée à différents phénomènes qui ont des temporalités différentes. Au moment du traitement nous pouvons observer des phénomènes de dérive, liés à des conditions de vent, lequel disperse les gouttelettes dans l'atmosphère, ou à des conditions de volatilisation. Nous observons également des émissions de pesticides plus tardives, plusieurs heures ou plusieurs semaines après le traitement, notamment en raison des conditions météorologiques, qui peuvent entraîner une volatilisation ou une érosion éolienne. Le compartiment atmosphérique est donc susceptible d'être contaminé par les pesticides au même titre que d'autres compartiments de l'environnement.

Les substances qui font l'objet d'un suivi par les Aasqa proviennent de divers usages. Nous suivons à la fois des fongicides, des herbicides et des insecticides ; au total, entre 75 et 100 substances actives sont recherchées et quantifiées par les Aasqa. Le socle des 75 substances résulte d'une liste commune établie sur l'ensemble du territoire dans le cadre de la Cnep qui s'est déroulée en 2018-2019.

Il existe une norme Afnor relative au prélèvement, une autre relative à l'analyse. Les pesticides dans l'air sont captés à partir d'équipements en prélèvement actif, c'est-à-dire que l'air est aspiré. Il passe sur un filtre, où l'on récolte la fraction particulaire des pesticides, et ensuite à travers une mousse qui collecte la fraction gazeuse. Les deux échantillons sont collectés par les Aasqa soit sur une semaine, soit sur une journée. Ils sont ensuite envoyés en laboratoire où ils sont analysés en même temps. Nous suivons ainsi la concentration totale de la substance active pendant la période de prélèvement.

Je reviens sur les étapes principales de la mesure des pesticides dans l'air. 2001 a donc marqué le début des mesures par les Aasqa, à l'initiative des acteurs locaux. En 2018-2019, a été organisée la Cnep. Elle a permis de faire un état des lieux et de constituer un protocole a minima pour les mesures, avec notamment une liste de substances actives à rechercher. Enfin, en 2021, un suivi national a été mis en place, toujours sur la base d'un point de mesure dans chaque région. D'autres points peuvent faire l'objet de mesures, à la libre appréciation de l'Aasqa sur le territoire concerné.

Depuis 2001, nous observons une variabilité spatiale et temporelle extrêmement importante des pesticides dans l'air. Nous observons des comportements différents entre les sites, entre les années et entre les saisons. Ces différences sont liées au caractère multifactoriel des concentrations en pesticides dans l'air : l'occupation du sol ; le type de cultures ; la nature du sol les pratiques agricoles ; le type d'équipements utilisé ; la météorologie, qui impacte de manière directe et indirecte les émissions dans l'atmosphère ; et les propriétés physico-chimiques de la substance. Plus elle est volatile, plus la substance a de chances de se retrouver dans le compartiment atmosphérique.

Au-delà de cette variabilité, grandes tendances nationales se dégagent néanmoins, notamment la saisonnalité. Sur les dix dernières années, nous avons observé des niveaux de concentration des pesticides dans l'air plus importants en automne – essentiellement des herbicides. Le prosulfocarbe est très présent dans l'ensemble des régions et présente les niveaux de concentration les plus élevés dans beaucoup de situations. Les fongicides sont également présents ; en revanche, les insecticides apparaissent peu. Le lindane est interdit en usage agricole depuis 1998 mais nous le trouvons de manière récurrente sur l'ensemble du territoire. Cependant, contrairement au prosulfocarbe, ses niveaux de concentration sont très faibles.

Le compartiment atmosphérique est donc un compartiment qui reflète de manière assez immédiate et rapide les pratiques mises en œuvre sur les parcelles en termes de gestion des produits phytosanitaires. Nous suivons également certaines substances interdites au fil des années. Certains sites sont suivis depuis plus de dix ans, ce qui nous permet d'avoir une idée des grandes tendances.

Enfin, vous constaterez que les données que nous produisons sur les pesticides sont uniquement issues de mesures, ce qui est assez différent des polluants réglementés, pour lesquels nous appuyons à la fois sur des mesures et sur de la modélisation. Celle-ci nous permet d'évaluer la qualité de l'air et les niveaux de concentration de polluants ou de substances en tout point du territoire. Nous avons donc une problématique liée à la connaissance exhaustive des territoires.

Par ailleurs, si l'approche nationale est importante pour avoir un cadre commun, s'agissant notamment des substances actives et des périodes de prélèvement, il ne faut pas occulter les spécificités locales qui nous permettent de compléter de manière utile nos diagnostics très spécifiques des territoires.

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