Il ne vous a pas échappé que j'ai beaucoup utilisé le conditionnel pour parler des réclamations que nous traitons. Je veux rester très prudente car nous pensons qu'il faudra de l'ordre d'un an pour rendre des décisions. Il y aura à la fois des décisions individuelles et une décision-cadre sur ce que nous aurons observé, comme nous l'avons fait à l'époque des gilets jaunes. C'est pourquoi il est beaucoup trop tôt pour en tirer des conclusions.
Vous faites référence à un communiqué de presse que nous avons publié au moment où étaient publiées un certain nombre de vidéos qui, manifestement, ne nécessitaient pas le conditionnel. Quand une personne sans domicile, place de la Bastille, est filmée en train de se faire insulter, je suis capable de le voir. Nous nous sommes autosaisis de cette situation, s'agissant d'une personne particulièrement vulnérable qui ne nous connaît pas nécessairement et qui ne penserait probablement pas à nous solliciter.
S'agissant de votre question sur la responsabilité de l'État, posée de cette manière, je ne peux répondre par oui ou par non. Il existe une responsabilité de l'ensemble des forces de l'ordre à reconnaître un usage disproportionné de la force ou des propos irrespectueux du code de déontologie. Ce sont ces situations qu'il faut signaler et que nous allons observer. C'est dans ce rôle que nous sommes utiles, en complément de la justice. Nous sentons bien qu'à certains moments, il y a une mauvaise compréhension du fait que l'autorité judiciaire est déjà saisie de l'affaire. Certains ne comprennent pas pourquoi nous sommes autosaisis alors que notre rôle est justement d'aller chercher des explications et d'observer la formation des personnels mis en cause, leur encadrement et les communications entre eux. Ce travail nous paraît important. Il rejoint la question d'une dimension systémique que vous posiez. Ce qui nous intéresse, c'est d'identifier ce qui, dans l'organisation, peut générer ces propos ou ces actes contraires à la déontologie.
Sur la question essentielle de la liberté de manifester, le premier objectif du schéma national du maintien de l'ordre est le respect du droit de manifester. C'est notre responsabilité démocratique et vous avez raison de dire que c'est l'une des composantes de la démocratie. Celle-ci ne se résume pas au vote : c'est aussi la liberté associative et la liberté de manifester. Si nous nous prononçons sur ces questions, c'est bien parce que nous cherchons à observer si cette liberté de manifester peut être obérée du fait des risques pris par les manifestants, dans le respect de l'intégrité physique des manifestants et des forces de l'ordre. Ce sont les deux éléments cardinaux. Honnêtement, pour ce qui est de l'épisode de ce printemps, il est trop tôt pour répondre à votre question. J'en suis désolée. Je sens bien que le temps de l'enquête n'est pas celui de votre commission. Ce n'est pas le temps médiatique non plus. Mais le sérieux de notre travail réside dans nos enquêtes contradictoires. Nous réclamons des pièces. Nous allons auditionner les parties prenantes.