Madame Diaz, sur la question du profil, j'ai transmis à mon vice-bâtonnier, M. Vincent Nioré, le questionnaire qui m'a été adressé. Il m'a indiqué que les questions relatives au profil étaient couvertes par le secret professionnel car y répondre impliquerait d'utiliser des confidences qu'un client peut faire à son avocat. Et même si je le voulais, je ne serais pas en mesure de répondre. D'abord, j'ignore généralement ce que vous appelez le profil des personnes que je défends car je conseille à mes clients de garder le silence. Leur profil ne m'intéresse absolument pas. Je veux seulement savoir ce qui figure dans le dossier constitué par les policiers et le parquet. Ensuite, cette question devrait à mon sens être adressée à des sociologues ; une cohorte de dix-neuf individus sur une période de six semaines ne me permettrait pas de répondre de façon sérieuse. Enfin, ces éléments concerneraient des personnes qui ont été interpellées à tort. Je ne sais pas si ce qui vous intéresse est de savoir qui sont les citoyens interpellés à tort.
J'aimerais, moi, savoir quel est le profil des policiers et des gendarmes qui interpellent à tort, et quel est le profil des procureurs qui valident ces privations de liberté. J'ignore leur statut social, leur origine, leur sexe. En revanche, je sais que ces personnes ne respectent pas l'État de droit et votre commission d'enquête pourrait se pencher sur ce sujet.
S'agissant de votre collègue Julien Odoul, j'ai en effet des comptes à régler avec l'extrême droite. Je pense que vous êtes dangereuse, que vous êtes dangereux. Je m'émeus de l'emploi du terme « terroriste » pour désigner des manifestants, et je maintiens que c'est là une insulte aux victimes du terrorisme.
Monsieur le président, j'ai lu avec attention le rapport de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Il a reçu dans la presse des éloges démesurés, auxquels je ne me joins pas pour la simple raison que si ce rapport est bien écrit, nous ne disposons d'aucun moyen de vérifier la véracité des propos de M. Serge Lasvignes. Il se fonde sur les dossiers qu'il a traités, par définition couverts par le secret de la défense nationale. Nous ne pouvons que le croire sur parole. Or, mon rôle d'avocat est de confronter systématiquement des propos à des éléments factuels.
Enfin, j'ignore si votre commission d'enquête a l'intention de proposer des évolutions juridiques. J'espère qu'elle le fera dans le sens que je vous ai suggéré. L'une de mes inquiétudes, je ne vous le cache pas, est que les majorités de cette assemblée – qui comprennent l'extrême droite, puisque celle-ci a voté la résolution qui a constitué votre commission d'enquête, ce que je regrette mais qui en dit long – souhaitent, au fond, ressusciter la loi anticasseurs de 1970, qui permettait de juger coupables des personnes qui n'avaient commis aucune infraction pénale. Cette loi, vous le savez, a disparu en 1981. M. Robert Badinter, devant votre assemblée, le 25 novembre 1981, demandait l'abrogation de cette loi qui représentait pour lui « une telle dégradation de principes essentiels pour la défense des libertés individuelles que notre droit ne pouvait à l'évidence, dès l'instant où le changement intervenait, la supporter plus longtemps ». J'espère que votre assemblée, et vos majorités, ne seront pas celles qui ressusciteront cette loi heureusement abrogée sous l'impulsion de l'un de nos plus grands défenseurs des libertés.