Intervention de Raphaël Kempf

Réunion du jeudi 29 juin 2023 à 8h35
Commission d'enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d'action des groupuscules auteurs de violences à l'occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements

Raphaël Kempf :

Dans les dossiers que j'ai eus à traiter, la transmission d'information de l'agent interpellateur à l'officier de police judiciaire se fait selon trois modalités : la fiche d'interpellation, un appel téléphonique de l'officier de police judiciaire à l'agent au cours de la garde à vue, le procès-verbal d'audition de témoin de l'agent qui se déplace alors au commissariat.

La véritable difficulté est que, dans l'immense majorité des cas, les interpellations sont faites à tort. Il y a peut-être un manque de formation, à coup sûr un sentiment d'impunité et un manque de directives de la hiérarchie aux agents sur le terrain pour leur enjoindre de ne pas interpeller à tort et à travers.

La fiche d'interpellation pose problème eu égard aux droits et libertés : les agents considèrent que c'est un outil à leur disposition et qu'ils peuvent le remplir n'importe comment. J'ai sous les yeux une de ces fiches. Je ne mentionnerai évidemment pas l'identité de la personne concernée, et ce dossier a été classé. Il s'agit d'un homme interpellé le 18 mars lors d'une manifestation spontanée à laquelle il ne participait pas. Il était simplement de passage. Il a été interpellé comme un grand nombre de personnes car les policiers ont cru qu'il faisait partie des manifestants. Deux cases ont été cochées : « participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations », « participation à un attroupement malgré les sommations de se disperser ». Dans la case « circonstances », l'agent interpellateur a écrit à la main « pantalon et veste noirs, lunettes de soleil, Nord-Africain, cheveux noirs et courts ». Ce document est choquant puisqu'on y constate un biais discriminatoire de l'agent qui qualifie cet homme de « Nord-Africain ». Les cases sont cochées n'importe comment, sans la moindre justification.

Ce type de fiche d'interpellation se retrouve dans un grand nombre de dossiers. Même à propos de quelqu'un qui participerait à une manifestation, le fait de cocher des cases est insuffisant pour caractériser une infraction pénale, à moins de considérer que l'on peut interpeller toute personne qui manifeste. Je répète, et la Cour de cassation l'a redit récemment, que la participation à une manifestation non déclarée n'est pas punie par la loi.

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