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Intervention de Arié Alimi

Réunion du jeudi 29 juin 2023 à 8h35
Commission d'enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d'action des groupuscules auteurs de violences à l'occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements

Arié Alimi :

François Molins, lorsqu'il était procureur de la République de Paris, a institué une fiche d'interpellation qui n'a aucune base légale et qui ne correspond pas parfaitement aux critères d'un procès-verbal d'interpellation prévu par le code de procédure pénale. À sa décharge, il s'agissait de répondre à la question que vous soulevez. Autant le dire, ces fiches sont remplies avec les pieds : on coche à peu près toutes les cases.

Les interpellations sont massives principalement depuis le mouvement des gilets jaunes. C'est ce que les avocats qui participent à ces procédures, les observateurs de la Ligue des droits de l'homme, les rapporteurs spéciaux des Nations unies, la Commission nationale consultative des droits de l'homme, la Défenseure des droits constatent. C'est la conséquence d'un dispositif organisé par le ministère public et la préfecture de police de Paris. Nous avons eu accès à des vidéos montrant la salle de commandement de la préfecture de police. On y voit le directeur de l'ordre public et de la circulation et le préfet de police préciser aux forces engagées le dispositif qui sera utilisé le lendemain – c'était pendant le mouvement des gilets jaunes, du vendredi pour le samedi. Ils indiquent qu'il faut interpeller massivement, en lien avec des réquisitions du ministère public. C'est délibéré, organisé, ordonné. Ce dispositif, qui peut être qualifié d'illégal, consiste à interpeller massivement, en connaissance de cause, des personnes qui n'ont commis strictement aucune infraction. Il y a même des interpellations en amont.

Cette pratique est devenue récurrente ; nous l'avons retrouvée lors des manifestations contre la réforme des retraites. Elle est fondée sur des réquisitions du ministère public telles qu'elles sont prévues à l'article 78-2-2 du code de procédure pénale. En parallèle, des arrêtés du préfet demandent de contrôler des personnes et de fouiller des sacs pour vérifier s'ils ne contiendraient pas, par exemple, des lunettes de piscine. J'ai vu des gens interpellés et placés en garde à vue parce qu'ils avaient des lunettes de piscine sur eux ! Ce n'est pourtant pas une infraction. J'ai vu des nasses et des interpellations de centaines de personnes pour lesquelles absolument aucune infraction n'était caractérisée.

L'État, en l'occurrence la préfecture de police de Paris, a organisé des violations de libertés individuelles. C'est une infraction qui peut devenir criminelle si elle continue. Nous assistons à une dérive autoritaire délibérée, organisée. Le pouvoir législatif devrait mettre le holà à ces pratiques, car cette succession de procédures judiciaires va provoquer une crispation globale des institutions.

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