Intervention de Arié Alimi

Réunion du jeudi 29 juin 2023 à 8h35
Commission d'enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d'action des groupuscules auteurs de violences à l'occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements

Arié Alimi :

Je vais compléter au sujet du caractère systémique des violences commises dans le cadre du maintien de l'ordre. Les éléments matériels précis et probants dont nous disposons pour l'étayer sont nombreux.

Ma consœur a évoqué les gaz lacrymogènes, utilisés de manière totalement disproportionnée, beaucoup plus que dans la plupart des autres pays. Il s'agit d'une arme chimique au sens propre du terme. Or, le ministère de l'intérieur n'a jamais transmis les études d'impact sur la population dont il dispose. Personne ne connaît les effets à long terme de ces gaz. On sait qu'ils ont des impacts sur tous les organes. On ne sait pas à quel degré. C'est un peu comme si on autorisait des médicaments sans les soumettre à des études ou sans que l'Agence de la biomédecine transmette les résultats de ces dernières.

Ensuite, les nasses. Ce dispositif tend à encercler des manifestants, donc à les priver de liberté. C'est une mesure restrictive de liberté si elle dure moins de douze heures, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Or, tout dispositif restrictif de liberté est illégal s'il n'a pas de vocation judiciaire. C'est ce que rappelle le Conseil d'État dans l'étude sur le schéma national du maintien de l'ordre, qui a tenté de régulariser en droit ce hiatus légal. La Cour de cassation s'est prononcée au sujet d'une mise en examen lors d'une nasse place Bellecour à Lyon, il y a une douzaine d'années : elle a considéré que la nasse n'était pas systématiquement illégale dès lors qu'il était possible d'en sortir et que son utilisation était nécessaire et proportionnée. Or, ce que l'on voit, ce que vous avez peut-être vu sur les vidéos lors de la dernière mobilisation contre la réforme des retraites, ce sont des nasses complètes, sans sortie possible, sans violences préalables. Ce fut notamment le cas rue des Capucines, à Paris, où une centaine de personnes ont été encerclées. Elles ont toutes été libérées par la suite sans aucune charge, ce qui en dit long sur la visée judiciaire de la nasse en question. Ce moyen est utilisé dans des cortèges entiers sous la forme de nasses mouvantes. Ce que je vous dis là, c'est qu'il existe des pratiques illégales de la part de l'État. La préfecture de police de Paris et l'État en général ont institué des systèmes qui sortent de la légalité.

Troisièmement, le LBD 40. Ce lanceur de balles de défense est une arme dite à létalité intermédiaire. Des deux munitions utilisées, la CTS (Combined Tactical Systems) et la MDU (munition de défense unique), l'une avait une portée de 10 à 50 mètres et l'autre, qui l'a remplacée, une portée moindre mais davantage de précision. Le centre de recherche et d'expertise de la logistique s'est aperçu que, contrairement à ce qu'indiquaient les fabricants, il se produisait dans les deux cas une déviation verticale par rapport au tir, de respectivement 16 et 8 centimètres. Ainsi, en visant plus bas, on peut toucher l'œil. Cela veut dire que les nombreuses mutilations constatées étaient liées aux mauvaises indications du fabricant. La préfecture de police connaissait ces éléments et, pourtant, elle a continué à faire utiliser cette arme. L'État a demandé que soit maintenue l'utilisation de ces deux munitions de manière totalement illégale. Pourtant, il avait conscience de cette illégalité. Les policiers n'avaient été formés à l'emploi ni de l'une ni de l'autre.

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