Cher maître, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale et donc dans le débat démocratique, lorsque nous prononçons certains termes, je doute qu'ils soient indexés sur le code pénal, quelle que soit la sensibilité de l'orateur. L'intitulé de notre commission d'enquête comporte le mot de violences. Le président a précisément caractérisé les éléments qu'englobe ce terme très général, tel qu'il est communément utilisé par nos concitoyens. Nous connaissons le sens pénal du terme, que vous avez rappelé ; c'est pourquoi le président a indiqué dès son propos liminaire que nous incluons les dégradations de biens dans la définition, tout en les distinguant des atteintes aux personnes. De ce point de vue, nous prenons votre remarque comme une confirmation de notre travail.
Les questionnaires ont été établis par les administrateurs en lien avec moi. Je récuse absolument cette petite musique au sujet de la première partie du questionnaire qui vous a été adressé et que je tiens à la disposition de tous. Cette partie porte sur les profils, la catégorisation des individus qui s'adonnent à des violences. Nous connaissons parfaitement le secret auquel vous êtes tenus, comme nous savons que la commission d'enquête ne peut empiéter sur des affaires judiciaires en cours. Le garde des Sceaux nous a avertis à ce sujet avant même sa constitution – non par quelques individus, mais par un vote de l'Assemblée nationale dans l'hémicycle.
Nous souhaitons savoir s'il est possible, compte tenu de votre déontologie et des contraintes qui s'imposent à vous, et sans évidemment que vous ne violiez le secret auquel vous êtes tenus, d'établir des catégories de profils. Il ne s'agit pas d'individus en particulier. Certains services nous disent que les uns appartiennent plutôt à l'ultragauche, les autres aux ultra-jaunes, que d'autres sont plutôt des étudiants. Nous voulons simplement pouvoir classifier, car il y a de grandes confusions dans le débat public, par exemple à propos des termes « violences » ou « radicalisation ». Mon rôle de rapporteur, sous le contrôle de la commission et de mes collègues, sera de clarifier et de classer de manière rationnelle. Lorsque j'aurai des opinions personnelles à émettre, je les distinguerai de ce travail de rationalisation et d'objectivation par les formules « selon votre rapporteur » et « selon l'interprétation personnelle du rapporteur ».
Vous aurez constaté que l'Assemblée nationale n'est pas homogène. Il y a dans cette pièce des personnes qui ne pensent pas la même chose et qui auront, à partir de faits objectifs, des interprétations divergentes.