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Intervention de Fanny Gallois

Réunion du jeudi 29 juin 2023 à 8h35
Commission d'enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d'action des groupuscules auteurs de violences à l'occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements

Fanny Gallois, responsable de programme, Amnesty International :

En ce qui concerne les dispositions législatives trop vagues ou contraires au droit international, nous avons dressé une liste de recommandations que nous mettrons à votre disposition. Je pense à différentes dispositions du code pénal. On peut citer l'organisation de manifestations non déclarées, l'outrage à l'encontre de personnes dépositaires de l'autorité publique qui devrait selon nous relever du droit civil et non du droit pénal, la participation à un attroupement de l'article 431-3 du code pénal qui est trop vague et qui permet de mettre en cause des personnes n'ayant pas commis de violence, l'interdiction de dissimulation du visage créée par la loi du 10 avril 2019 visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations qui incrimine des personnes qui auraient porté un masque pour se protéger ou cacher leur visage alors même qu'elles n'ont pas l'intention de commettre des violences ou de s'en rendre coupables, ou encore la participation à un groupement en vue de commettre des violences qui continue d'être très utilisée pour cibler des personnes sur une simple intention de commettre des violences alors même qu'elles ne participent pas à leur préparation. Ces dispositions devraient être soit précisées pour épargner les manifestants qui n'ont pas l'intention de commettre des violences et qui ne s'en rendent pas coupables, soit abrogées parce qu'elles donnent lieu à de nombreuses arrestations arbitraires.

S'agissant de nos communications, dans un article du 1er mars 2023, nous avons alerté sur le recours excessif à la force et sur les arrestations abusives à l'occasion de manifestations qui avaient lieu dans le cadre de l'opposition au projet de réforme des retraites. Dans un article du 23 mars, nous sommes revenus sur la question des armes dangereuses utilisées dans les manifestations en France et dans le monde. Nous y avons présenté nos demandes d'interdiction des armes à létalité réduite conçues dans le seul but d'infliger des mauvais traitements. Nous recommandons également un contrôle strict du commerce d'autres armes à létalité réduite pouvant légitimement servir aux opérations de maintien de l'ordre, mais susceptibles d'être utilisées pour infliger de mauvais traitements. Ces armes ne devraient pas être commercialisées auprès de régimes qui risqueraient d'en faire usage pour réprimer les manifestations de manière indue. Cela s'inscrit dans le cadre plus vaste d'un plaidoyer contre le commerce des instruments de torture, qui sera présenté à l'Organisation des Nations unies.

Dans le détail, nous évoquions d'abord l'utilisation abusive des matraques. Après la mobilisation du 19 janvier, un manifestant a dû être amputé d'un testicule après un coup de matraque à l'entrejambe. Nous avons étudié les vidéos et il ne présentait aucun danger. D'autres cas d'utilisation abusive ont été signalés. Nous avons aussi commenté l'utilisation excessive de lacrymogène que plusieurs médias ont documentée avec des projections directes, dans des quantités importantes, sur des manifestants pacifiques pour disperser les manifestations sans qu'il soit toujours possible de quitter les lieux.

Nous avons également fait référence à l'utilisation abusive de grenades de désencerclement, dont nous demandons l'interdiction. Nous avons commenté ce qui s'est passé lors de la manifestation du 11 mars, où une lycéenne de 15 ans aurait été grièvement blessée au visage après avoir été touchée par une telle grenade. Dans ces articles, nous avons aussi mentionné les arrestations abusives. Le 16 mars, 292 personnes ont été interpellées et placées en garde à vue durant une manifestation sur la place de la Concorde, à Paris, et 283 d'entre elles sont ressorties libres, soit 96 %.

Enfin, nous avons réagi aux propos tenus le 21 mars par le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin, qui avait déclaré qu'être dans une manifestation non déclarée est un délit et mérite une interpellation. Selon le droit international, manifester pacifiquement ne doit pas être soumis à autorisation préalable. Ne pas déclarer une manifestation ne la rend pas illégale. Le 8 juin 2022, un arrêt de la Cour de cassation a jugé qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'incrimine le seul fait de participer à une manifestation non déclarée.

S'agissant de la situation internationale, nous documentons les entraves au droit de manifester dans de nombreux pays. Nous n'établissons pas de liste de bons ou mauvais élèves cependant. Notre boussole concerne la violation des droits. Nous relevons néanmoins que la France est le seul pays européen à utiliser les grenades de désencerclement en maintien de l'ordre.

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