Intervention de Frédéric Cuvillier

Réunion du jeudi 14 septembre 2023 à 10h00
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Frédéric Cuvillier, ancien ministre délégué chargé des transports et de l'économie maritime :

Il faudrait une autre commission d'enquête sur l'écotaxe et les raisons d'un fiasco environnemental et financier. Comment une idée de bon sens est-elle apparue, dès le début, comme la solution miraculeuse pour remplir les caisses de l'État ? Je ne reviens pas sur les conditions dans lesquelles l'écotaxe a été mise en place. J'ai hérité d'un dossier mal ficelé et d'un dispositif fondé sur un non-sens économique. En effet, à mes yeux, c'est celui qui commande le transport qui doit payer. Il ne fallait pas mettre à la charge des petites entreprises de transport routier une taxe qui faisait partie du prix de la marchandise, donc ne leur incombait pas. C'est à partir de là que les problèmes avec les chargeurs et les « bonnets rouges » ont commencé et que des régions pourtant peu concernées se sont placées à la pointe du combat contre l'écotaxe.

L'écotaxe était vertueuse à condition qu'elle soit compréhensible et qu'elle pèse sur les bonnes personnes – le donneur d'ordre et non l'intermédiaire. La pérennité du transport routier était alors menacée par un cadre social incontrôlé – j'avais organisé une conférence européenne sur le droit du travail dans le transport routier qui avait rassemblé une quinzaine de ministres européens, y compris ceux venant de pays de l'Est, soucieux de voir écartée toute perspective d'harmonisation.

L'écotaxe a, bien sûr, été une erreur. J'ai tout essayé, et en premier lieu de remettre du sens. L'écotaxe n'avait pas vocation à financer des pistes cyclables mais à moderniser le réseau ferroviaire, à soutenir le fret, à développer des plateformes multimodales, à entretenir les routes – le réseau secondaire est très dégradé mais l'opposition à la route est telle que même les travaux de sécurisation sont mis de côté – ou encore à promouvoir le fluvial. C'était le rôle de l'État stratège que de définir les priorités d'investissement. L'écotaxe devait profiter aux utilisateurs, aux acteurs économiques – ainsi qu'à l'environnement, bien sûr.

Je ne faisais pas partie du gouvernement qui l'a abandonnée. Je regrette la caricature qui a été faite, considérant qu'il vaut mieux éviter les petites phrases et connaître le dossier pour s'exprimer.

L'écotaxe, qui visait à rééquilibrer nos modes de transport, a été conçue à la hâte, sans précaution – j'ai dû la repousser à plusieurs reprises faute d'une robustesse suffisante du dispositif. J'avais demandé qu'une part de l'écotaxe revienne aux collectivités, qui pâtissent souvent du trafic routier, afin de les aider à financer des projets de transport ; je défendais aussi l'idée d'une régionalisation et, de manière visionnaire, d'un droit à l'expérimentation – on a bien inventé les référendums départementaux – pour ne pas en respecter ensuite le résultat : voir Notre-Dame-des-Landes ! Les portiques, dont nombre sont toujours installés, me rappellent régulièrement que le choix politique peut parfois faire frémir.

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