Intervention de Frédéric Cuvillier

Réunion du jeudi 14 septembre 2023 à 10h00
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Frédéric Cuvillier, ancien ministre délégué chargé des transports et de l'économie maritime :

Nous aurions pu lancer un énième plan de plusieurs milliards pour la rénovation des infrastructures, mais comme nous étions responsables nous ne l'avons pas fait. Au contraire, nous avons souhaité que la hiérarchisation des investissements – et donc leur efficacité – intervienne par le biais de l'objectivation des travaux de modernisation. D'où la commission présidée par Philippe Duron.

Dans la lettre de mission qui avait été adressée à cette commission, la priorité en matière ferroviaire était donnée à la modernisation du réseau. Le développement du fret devait avoir, selon nous, une portée économique, écologique et industrielle. Nous pensions aussi qu'il fallait mettre en place des itinéraires bis pour le fret afin de pouvoir s'attaquer à la modernisation des lignes les plus dégradées. Bref, la commission avait pour objectif de permettre à notre pays de se doter d'infrastructures robustes et efficaces, pour mettre fin aux témoignages récurrents sur la lenteur du fret ferroviaire – voire sur la perte de trains ou de wagons.

Parallèlement aux travaux de la commission « Mobilité 21 », nous avions déterminé une stratégie de relance portuaire qui comprenait un volet consacré au fret portuaire. Les questions relatives à ce dernier étaient également abordées lors des conférences périodiques sur le fret. Ces différents dispositifs se complétaient, afin d'assurer la cohérence de la politique de rénovation.

Il faut ajouter qu'après l'accident de Brétigny-sur-Orge, la priorité accordée à la sécurité nous a permis d'aller encore plus vite s'agissant de certains travaux de rénovation.

J'en viens à la question des aides publiques et à la position de la Commission européenne.

Les discussions que nous avions avec cette dernière portaient non pas sur le fret mais sur la réforme ferroviaire en général. J'ai rencontré à de très nombreuses reprises le commissaire européen aux transports, Siim Kallas, dont le parcours était particulier puisqu'il avait été membre du Soviet suprême de l'Union soviétique. Néanmoins, il était certainement le personnage le plus converti à l'ultralibéralisme dans les transports. Nous avions donc beaucoup à faire pour convaincre que notre réforme était compatible avec le droit européen. J'entretenais des relations amicales mais exigeantes avec Siim Kallas, mais la Commission était alimentée par une petite musique. En matière ferroviaire, les positions sont souvent dogmatiques, avec par exemple ceux qui préconisaient la séparation à outrance entre le réseau et l'exploitation. Certains étaient favorables au démantèlement du groupe public intégré, alors que d'autres voulaient un opérateur unique. Tout cela reposait aussi sur des présupposés idéologiques. D'où la nécessité de ne pas pratiquer la politique de la chaise vide – ce qui fut trop souvent le cas – et d'avoir un dialogue exigeant au sujet de la compatibilité de la réforme avec les textes européens.

De mémoire, le fret ferroviaire n'était pas au cœur de nos discussions. Il y avait aussi toutes celles qui portaient sur la Société nationale maritime Corse-Méditerranée (SNCM). La Commission ne manquait pas de revenir sur le passé – voire sur le passif. Nous devions déterminer, affirmer et revendiquer les obligations de service public, afin qu'elles ne soient pas limitées par une lecture restrictive de leur objet. Les missions de service public existent ; à nous d'en démontrer la réalité et l'utilité.

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