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Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du mercredi 27 septembre 2023 à 11h10
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges, président :

Mes chers collègues, nous auditionnons M. Hervé Berville, secrétaire d'État auprès de la première ministre, chargé de la mer.

C'est un honneur et un plaisir de recevoir celui qui fut un membre très actif de notre commission, dont il mériterait le titre de membre émérite tant il lui a rendu de grands services, comme peu d'entre nous en ont eu le privilège. Auteur de plusieurs rapports remarquables, son « chef-d'œuvre » est la loi de programmation du 4 août 2021, relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

Texte phare s'il en est, il a été préparé avec ma chère prédécesseure, Marielle de Sarnez. J'ai fait, lors de son examen, mes premières armes de président de commission. Nous l'avons négocié ensemble en commission mixte paritaire (CMP), avec un certain succès, même si nous devons à présent lutter quelque peu pour la définition des modalités de sa mise en œuvre, avec une attention plutôt favorable de Mme Borne je dois dire, tout spécialement sur la question à laquelle vous étiez très attaché en tant que rapporteur du texte, monsieur le secrétaire d'État, de la commission indépendante d'évaluation de l'aide publique au développement (APD). Des polémiques ont surgi et je vous en ai tenu informé, même si vos fonctions vous interdisent d'intervenir dans le débat.

Nous sommes très heureux de vous auditionner en raison de vos compétences ministérielles, qui englobent des sujets d'attention et d'intérêt particulièrement marqués pour notre commission.

Depuis juillet 2022, nous avons été saisis de projets de loi autorisant l'approbation de plusieurs accords internationaux ayant trait à la protection des océans, à la lutte contre les pollutions marines ou à la coopération dans les zones maritimes proches des eaux françaises, notamment outre-mer. Nos débats ont montré une appétence particulière de la commission pour ces enjeux fondamentaux. Il était donc tout naturel que nous vous sollicitions pour avoir avec vous un échange approfondi sur ces questions.

Le moment de cette rencontre n'est pas anodin. La semaine dernière a eu lieu la signature officielle du traité international de protection de la haute mer, destiné à assurer la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine dans les eaux internationales. Après deux décennies de pourparlers, engagés en 2004, les 193 États membres de l'Organisation des Nations Unies (ONU) s'étaient mis d'accord sur ce texte le 19 juin dernier.

Ce traité, qui porte sur les zones maritimes situées au-delà des zones de souveraineté et des zones économiques exclusives (ZEE) des États côtiers, ouvre la voie à des avancées essentielles et inédites : la création d'aires marines protégées en haute mer ; des obligations, pour les États, d'évaluer l'impact environnemental des nouvelles activités qu'ils projettent en haute mer ; un partage juste et équitable des bénéfices de découvertes faites dans les océans, qui pourraient être déterminantes pour les sciences, les technologies ou la médecine ; le renforcement des capacités des États en développement en matière de recherche scientifique et d'aptitude à assurer une bonne gouvernance des aires marines.

C'est dire si cette signature était attendue. Notre commission a hâte d'entendre votre appréciation sur ce résultat et espère que vous nous dévoilerez de fortes ambitions du Gouvernement pour ratifier ce texte au plus vite.

Mais aussi important soit-il, celui-ci n'est pas une fin en soi. Il doit trouver des déclinaisons multiples. La question de la pollution plastique est un problème mondial fondamental. Chaque minute, quinze tonnes de plastique sont rejetées dans l'océan. Les débris de plastique constituent 85 % des matériaux polluants en mer. Les Nations Unies ont lancé, en 2022, des négociations pour un traité juridiquement contraignant : le traité mondial contre la pollution plastique.

La deuxième étape des négociations sur un projet de texte s'est tenue fin mai à Paris, au siège de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO). Elle a permis d'obtenir des avancées réelles, mais que nous avons tendance à considérer comme insuffisantes. Une nouvelle session de négociations est attendue au Kenya en novembre, avant un cycle au Canada puis en Corée du Sud l'an prochain. Nous serons heureux de vous entendre sur la stratégie de notre pays, qui joue un rôle pilote en la matière, pour aboutir à un résultat positif en 2024.

Outre ces rendez-vous internationaux, vous êtes chargé des politiques publiques qui, en raison des implantations territoriales de la France, outre-mer notamment, vous obligent à tenir compte de paramètres bilatéraux et multilatéraux essentiels et bien souvent évolutifs. Qu'il s'agisse de la surveillance maritime, de l'économie bleue ou de la définition de notre stratégie maritime, vous devez tenir compte, avec vos collègues des armées, des affaires étrangères, de la transition écologique et de la cohésion des territoires, du positionnement des autres grandes puissances maritimes qui nous concurrencent et parfois, pour reprendre un mot anglo-saxon que je n'apprécie guère, nous « challengent » dans des zones maritimes proches ou relevant de notre souveraineté, notamment dans l'Indo-Pacifique.

Notre commission aimerait donc vous entendre sur la défense de nos droits dans les eaux territoriales et dans les ZEE qui font de la France l'un des États maritimes les plus vastes du monde. Le diplomate qui l'a négociée, M. de Lacharrière, disait qu'il était le plus grand conquérant territorial de l'histoire de la France car personne d'autre que lui n'avait ajouté autant de kilomètres carrés à la zone d'influence française.

Nous avons bien conscience que la gestion d'un domaine maritime de 11 millions de kilomètres carrés représente autant un défi qu'un enjeu majeur. Elle revêt une importance capitale si on se remémore que, d'après l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la contribution des activités de la mer à l'économie mondiale représente près de 2,5 % de la valeur ajoutée brute mondiale. Cela, me semble-t-il, restitue les enjeux géopolitiques et économiques dans leur vraie dimension.

Mais ce tour d'horizon, déjà bien vaste, n'épuise pas l'étendue des interactions entre les enjeux internationaux et vos prérogatives.

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