Les élus de la minorité présidentielle ne cessent de donner des leçons de morale sur la liberté et la démocratie, mais ils piétinent de telles valeurs aujourd'hui en présentant ce projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique.
En soutenant l'obligation de lier l'identité numérique à une identité physique, c'est-à-dire en supprimant l'anonymat en ligne, vous vous attaquez à la philosophie même de ce qu'est internet : il est et doit rester un espace de libertés. En obligeant les Français à fournir leurs documents d'identité pour accéder aux réseaux sociaux, vous ferez d'internet une parodie de safe space woke, autocensuré, sans débat, sans dialogue, sans vie.
Cette fin de l'anonymat, que vous préparez, est liberticide mais surtout inefficace, tout simplement parce que la loi existe et qu'elle est d'ores et déjà bien faite. Toute infraction constatée donne lieu à une réquisition du procureur ou une plainte, puis à une enquête de police, et enfin à une condamnation si nécessaire. Actuellement, le problème réside dans l'insuffisance d'effectifs et de moyens pour le recueil des plaintes et les enquêtes.
En vérité, au lieu de donner plus de moyens à la police et à la justice, vous préférez vous attaquer aux libertés des Français. Pire, les amendements de M. le rapporteur général, Paul Midy, ne sont en fait que l'arbre qui cache la forêt : même s'ils sont rejetés, l'article 5 de ce texte mettrait aussi en danger l'anonymat en ligne en exigeant des réseaux sociaux qu'ils empêchent la création d'un compte par un individu condamné. En d'autres termes, vous demandez aux réseaux sociaux d'assumer le flicage des Français à votre place. C'est inacceptable. Vous avez perdu l'esprit !
Enfin, les seuls pays qui ont réussi à bannir l'anonymat sont des régimes autoritaires comme la Chine. Est-ce donc là un modèle dont vous souhaitez vous inspirer ?
Dernière ligne rouge : la souveraineté numérique est la grande absente de ce projet de loi. Comment pouvez-vous prétendre réguler l'espace numérique si vous entretenez une dépendance aux multinationales étrangères ? Ce texte était pourtant le parfait véhicule pour aborder l'enjeu de la souveraineté numérique. D'ailleurs, les sénateurs l'avaient bien compris, en introduisant un article 10 bis A qui entendait réserver la commande publique en matière de cloud à des entreprises européennes et uniquement européennes, pour le traitement et l'hébergement des données sensibles.