Intervention de Christophe Naegelen

Séance en hémicycle du mercredi 4 octobre 2023 à 15h00
Sécuriser et réguler l'espace numérique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Naegelen :

La création d'internet répondait à un idéal : celui d'un monde dans lequel la libre circulation de l'information favoriserait la liberté d'expression, la diffusion des connaissances, la création et, finalement, l'innovation. Aujourd'hui, cette utopie menace de virer à la zizanie. L'espace numérique est devenu celui de la concentration des entreprises, de la polarisation politique et des comportements répréhensibles.

Pour qu'internet reste un lieu de liberté, où chacun puisse se sentir en sécurité et où la concurrence recommence à s'exercer, il est nécessaire de réguler. Cette régulation, nous le savons, doit prioritairement se faire à l'échelle européenne, puisque c'est à ce niveau qu'elle sera le plus efficace. C'est d'ailleurs l'objet des quatre règlements adoptés entre 2022 et 2023 : le DMA, le DSA, le règlement sur la gouvernance des données dit DGA – Data Governance Act – et le Data Act. Le groupe LIOT se montre bien entendu favorable aux mesures de transposition de ces directives, nécessaires pour adapter notre droit à ce nouveau cadre de régulation.

Nous devons aussi, à l'échelle nationale cette fois, nous montrer plus protecteurs vis-à-vis des internautes fragiles. C'est l'objet des titres Ier et II, qui concernent notamment les mineurs, massivement exposés aux contenus pornographiques sur le net. Confier à l'Arcom le soin d'instaurer un référentiel va dans le bon sens, de même que la solution du double anonymat, qui nous a été présentée par le Gouvernement. Reste qu'il faudra élargir son usage à d'autres applications que la pornographie pour que soit garanti un réel anonymat des internautes.

Protéger nos concitoyens dans l'environnement numérique, c'est aussi bâtir un cadre juridique adapté aux nouveaux usages du net. Nous soutenons donc bien évidemment l'interdiction de la diffusion de deepfakes sans le consentement de la personne représentée, mais il faudrait aller plus loin. Nous proposerons d'ailleurs de créer un délit afin de sanctionner les sextorsions, car nous ne pouvons plus accepter que certains utilisent des photos intimes pour faire du chantage en ligne. De même, nous sommes favorables à la possibilité de sanctionner les injures et les diffamations en ligne par une amende forfaitaire. Pourquoi ne pas l'étendre aux messages incitant à la haine et à la violence en ligne ? Gageons que cela dissuadera ceux qui se cachent derrière leur écran.

Nous sommes en revanche un peu plus dubitatifs quant à l'effectivité de la peine complémentaire consistant à bloquer le compte d'accès aux plateformes en ligne d'une personne condamnée, lorsque ce compte a été utilisé pour commettre un délit. Une telle solution est aisément contournable, pour des raisons techniques : il est difficile de vérifier que ladite personne ne change pas de VPN – réseau privé virtuel – afin de poursuivre ses activités.

Il est par ailleurs urgent de mettre fin aux barrières à l'entrée et à la sortie du marché de l'informatique en nuage, dit cloud, aujourd'hui fortement concentré autour de quelques acteurs américains. Nous appelons donc à interdire les frais de transfert de données, ainsi que les pratiques d'autopréférence et de discrimination. Sur ce marché, nous devons renforcer notre souveraineté nationale. J'ai entendu les explications de la rapporteure Anne Le Hénanff et nous aurons l'occasion d'en discuter de manière plus approfondie lors de l'examen du texte ; en attendant, nous avons déposé un amendement visant à rétablir l'article 10 bis A, qui impose aux opérateurs de cloud de prendre des mesures techniques et opérationnelles pour empêcher l'accès d'un État tiers à des données sensibles.

S'agissant des Jonum, nous reconnaissons leurs spécificités. Néanmoins, n'y a-t-il pas un autre type d'objet qu'il est possible d'acheter à un moment donné, mais dont la valeur est susceptible de varier fortement au cours du temps ? C'est exactement le cas d'une action, dont le cours varie en Bourse. C'est pourquoi nous demandons que la plus-value réalisée lors de la vente d'un Jonum soit taxée au niveau du prélèvement forfaitaire unique (PFU), ou flat tax. Ces Jonum, qui tiennent du jeu vidéo, du jeu d'argent et du jeu de hasard, n'en sont pas moins assimilables à une action boursière, et il faut impérativement clarifier cela.

Nous défendrons donc, avec pragmatisme et réalisme, nos propositions en vue d'un internet qui soit mieux encadré tout en demeurant un espace de liberté.

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