…qu'ils risquent de reproduire. Mais c'est d'abord par l'éducation et la prévention, en renforçant les possibilités de contrôle données aux parents, que nous devons atteindre cet objectif, ainsi qu'en faisant peser la responsabilité de la régulation sur l'industrie pornographique elle-même, et non sur l'administration.
Le système que vous proposez repose sur une logique de surveillance et d'exclusion : en donnant à l'Arcom le pouvoir de contrôler l'identité des utilisateurs et de fermer les sites qui contreviennent à leurs obligations, vous ouvrez la voie à une censure du web. C'est la justice, indépendante, qui devrait procéder à ces fermetures. L'extension du champ des missions de l'Arcom pourrait en effet conduire celle-ci à fermer, demain, tout site qui ne conviendrait pas au Gouvernement. Il est inutile de démontrer en quoi la démocratie et les libertés se trouveraient menacées ; en témoigne la tentation passagère de donner à l'Arcom la possibilité de couper les réseaux sociaux et les messageries dans certaines situations, tentation à laquelle je remercie M. le ministre délégué de ne pas avoir cédé.
Vous ouvrez aussi une brèche dangereuse dans la protection de l'anonymat. Pour l'instant, elle est limitée aux sites pornographiques ; toutefois, on comprend à travers vos propositions, cher Paul Midy, que cela pourrait n'être qu'une première étape. Le respect de l'anonymat sur internet doit rester une ligne rouge. C'est ce qui permet aux journalistes d'investigation et aux lanceurs d'alerte de travailler sereinement, de nous fournir les informations dont nous avons besoin en tant que citoyens. Comment serons-nous informés, demain, de scandales internationaux touchant la corruption et les abus des autorités, si l'anonymat des signalements n'est pas garanti ? Alors que les états généraux de l'information ont démarré hier et que la journaliste Ariane Lavrilleux a été arrêtée la semaine dernière, soyons vigilants et refusons une société où le droit à la vie privée et la liberté d'expression ne seraient plus vraiment protégés.
C'est le même danger que pourraient entraîner la généralisation de l'identité numérique et le blocage direct des sites web par l'État – par l'intermédiaire du filtre anti-arnaque – que vous aviez initialement imaginé. Il est vrai, nous l'avons dit, que la lutte contre les arnaques, notamment celles qu'encouragent les influenceurs, doit devenir une priorité, mais cela ne peut se faire au détriment des libertés numériques et en faisant peser sur les navigateurs des obligations démesurées. N'oublions pas que la gouvernance d'internet repose sur un consortium mondial : si la France oblige ces navigateurs à fermer certains sites, les régimes autoritaires, qui jusqu'ici ne l'avaient jamais fait, ne se priveront pas de les y contraindre également, et les sites frauduleux ne seront pas les seuls visés – nous le savons tous.
La protection de nos données et la souveraineté numérique sont essentielles, mais pas au prix de nos libertés ! Pour sécuriser réellement l'espace numérique, c'est surtout à ces géants que sont les Gafam, et notamment au quasi-monopole dont ils disposent pour stocker nos données, que vous auriez dû vous attaquer. Vous ne trouvez pas gênant que de gigantesques entreprises qui échappent largement à l'imposition, qui font à la technologie française une concurrence déloyale, aient accès à autant d'informations sur la population et les conservent sur des serveurs situés à l'étranger. En cas de problème, vous ferez comme d'habitude : vous leur demanderez un effort ou un geste, vous demanderez à Bruno Le Maire de les solliciter, plutôt que de vous fier à la loi et de contraindre ces géants à observer des normes simples que d'autres entreprises, en France, respectent déjà. Nous devrions par exemple obliger les entreprises qui travaillent avec le ministère de la défense, avec celui des affaires étrangères, dans les secteurs stratégiques, à stocker leurs données en Europe. Les usagers veulent plus de sécurité pour leurs données et leurs échanges : c'est aussi pour cela que nous vous proposons de consacrer le droit à communiquer à travers des messageries cryptées.
Enfin, je veux vous parler de ces fameux Jonum, que j'évoquais tout à l'heure. Ils s'apparentent à des jeux d'argent : ils ruinent des jeunes et obligent des familles à s'endetter. Non, ce ne sont pas de simples jeux vidéo dans lesquels on achète un item pour progresser ; des dizaines de milliers d'euros sont échangés par les joueurs sous forme de cryptomonnaies. Nous ne voulons pas de réglementation spécifique pour ces jeux : nous voulons leur appliquer ce qui a cours pour les jeux d'argent, à savoir une protection absolue des mineurs. Une législation ferme doit s'appliquer !