Je suis très heureux d'entendre ce soutien aux dispositions de cet article, qui marque des progrès attendus tant par les travailleurs en Esat que par leurs familles et les associations. Il instaure en effet une convergence des droits en reconnaissant le statut de travailleur à ceux que l'on appelle encore des « usagers » des Esat, comme l'a justement rappelé Mme Garin.
Pour la transparence des débats, je précise cependant que cette convergence des droits – droits sociaux et syndicaux, droit à cotiser – laissera intacte une spécificité des Esat, à savoir la protection et l'interdiction du licenciement. En effet, notre logique vise à considérer les demandeurs d'emploi en situation de handicap d'abord comme des demandeurs d'emploi ; mais, au-delà du droit commun, qui consiste en l'orientation en milieu dit ordinaire, nous demanderons aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) de prononcer, si nécessaire, une orientation en milieu protégé. Il est donc indispensable de conserver ce statut de salarié protégé et cette protection contre le licenciement. C'est la seule grande différence qui demeurera avec le statut des autres travailleurs dans notre pays.
De plus, nous devons continuer à creuser certaines pistes qui ne relèvent pas de la loi, mais de la mise en œuvre de décisions déjà prises pour faciliter les mobilités. En effet, certains travailleurs en Esat suffisamment autonomes aspirent à travailler en milieu ordinaire, dans une entreprise adaptée ou non. Nous avons d'ores et déjà prévu la possibilité d'avoir deux contrats et de travailler par exemple à mi-temps en Esat et à mi-temps dans une entreprise dite ordinaire. Nous devons également protéger la mobilité vers le milieu ordinaire par un droit au retour, qui jouerait le rôle de filet de sécurité : ainsi, en cas de difficulté, le travailleur conserverait le bénéfice de sa place en Esat.
Enfin, M. Bazin m'a interrogé sur les conséquences de cette modification sur le modèle économique et le financement des Esat. Nul ne conteste que les conséquences seront importantes, comme l'ont bien montré nos longs échanges avec les responsables du secteur. En effet, il y aura davantage de mobilité, et les Esat seront peut-être amenés à accueillir des personnes plus éloignées encore de l'emploi qu'aujourd'hui, dès lors que l'orientation vers le milieu ordinaire sera plus facile et plus systématique – ce qui pourrait par ailleurs affecter le niveau de productivité des structures et des Esat concernés.
C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité que toutes les pistes soient explorées par la mission d'inspection que Fadila Khattabi et moi-même avons commandée à l'Igas. Nous avons un peu de temps, puisque la loi, dans son ensemble, s'appliquera à partir du 1er janvier 2025 ; l'expérimentation du nouvel accueil et de la nouvelle orientation des travailleurs en situation de handicap sera expérimentée à partir de juillet 2024, et ces dispositions entreront progressivement en vigueur à compter de 2025.
Nous aurons donc le temps d'accompagner le modèle économique des Esat afin qu'ils puissent faire face à une augmentation de leurs frais salariaux. En effet, un travailleur à temps plein en Esat est généralement rémunéré à hauteur de 60 % du Smic : chacun conviendra que ce n'est pas assez – et donc que l'augmentation de la rémunération, des cotisations et la prise en charge des frais de transport ou d'autres éléments tout aussi essentiels devront être compensés. Toutefois, nous n'avons pas voulu nous arrêter à cette difficulté préalable, considérant qu'il était important d'avancer et que ce mouvement nous obligerait à régler la question du financement et du modèle économique des Esat.