Depuis dix ans environ, le monde fait tout pour que le numérique ressemble le plus possible au réel. Mais devant l'état du monde, j'espère que nous allons rebrousser chemin, en particulier s'agissant de préserver nos libertés. À l'origine, internet était un formidable outil de diffusion du savoir, de communication et de partage. Il est aujourd'hui présent dans notre vie quotidienne, sociale et professionnelle ; il doit rester un espace de liberté. À cet égard, le texte et les débats des derniers jours m'inquiètent.
La préservation des libertés suppose de garantir la protection des données personnelles, le droit à la vie privée, l'anonymat des journalistes. La journaliste Ariane Lavrilleux, par exemple, a vu ses sources attaquées et son journal perquisitionné, avant d'être arrêtée parce qu'elle faisait son travail. La majorité veut débattre de la fin de l'anonymat dans le monde numérique, mais il pourrait s'agir d'une boîte de Pandore que le texte n'était pas destiné à ouvrir.
Vous avez, monsieur le ministre délégué, réuni un groupe de travail qui a évité au texte plusieurs écueils, comme la possibilité, un temps envisagée par le Gouvernement, de couper les messageries des réseaux sociaux en cas de révolte, à l'exemple de celle qui a suivi la mort de Nahel cet été. Je vous conjure d'agir de même concernant l'anonymat. De même, les amendements de la majorité relatifs aux VPN (réseaux privés virtuels) ont été retirés, tout le monde ayant compris que la mesure était dangereuse. Dans le cadre du filtre anti-arnaque, le texte prévoit l'obligation pour les opérateurs de bloquer l'accès à certains sites ; c'est également périlleux.
Certains aspects du texte méritent d'être encouragés, comme la lutte contre la pédopornographie et le cyberharcèlement. Il manque des mesures relatives à l'empreinte carbone du numérique et à la limitation des jeux d'argent. Surtout, il faut préserver l'équilibre fondamental entre le respect des libertés et la volonté de réguler.