La commission des affaires européennes s'est saisie pour observations du projet de loi. C'est avec un grand plaisir que je vous partage les conclusions des travaux que nous avons présentées il y a quelques heures. Il est essentiel que les textes que nous examinons bénéficient d'un éclairage européen lorsque cela est opportun. C'est plus que jamais le cas pour les enjeux liés à la régulation du numérique, près d'un an après l'adoption formelle du DSA et du DMA par l'Union européenne. Ces textes majeurs ont fait l'objet d'un accord sous l'impulsion de la présidence française du Conseil.
Notre rapport pour observations formule une série de recommandations pour améliorer le DSA et le DMA à moyen terme, à l'occasion de leur réexamen, mais également à court terme au titre de la phase de mise en œuvre qui s'ouvre. J'appelle en particulier la France et d'autres partenaires européens à saisir la Commission pour ouvrir une enquête de marché à l'encontre du réseau X, anciennement Twitter. La première liste des contrôleurs d'accès soumis au DMA dévoilée le 6 septembre par la Commission comporte six acteurs qui atteignent les seuils quantitatifs fixés. Le réseau X n'y figure pas, alors qu'il répond à plusieurs critères qualitatifs mobilisables par la Commission pour apprécier la situation d'une entreprise – je pense notamment à la taille importante de la société détenue par M. Musk ou aux effets de réseau qui la caractérisent. L'Allemagne, en décembre 2022, appelait à désigner le réseau X comme contrôleur d'accès, sans succès à ce stade. La France est-elle prête à se joindre à cette démarche partagée par d'autres États européens ?
Deux points de vigilance, toutefois. D'une part, la volonté du Gouvernement de prétransposer les textes en cours de discussion afin d'aiguiller les négociations me semble discutable, monsieur le ministre, voire contestable. Il est important que la France fasse valoir ses intérêts, et c'est tout l'objet des échanges avec le Conseil. En revanche, la pratique de la prétransposition crée un risque d'incompatibilité native ou prématurée. À vouloir tordre le bras de nos partenaires, c'est nous qui risquons d'avoir le bras tordu ! J'en veux pour preuve l'encadrement des crédits cloud, qui figure dans le projet de loi déposé en mai mais qui a été écarté du compromis trouvé par l'Union sur le Data Act en juin. Or nous sommes ici pour éviter tous ces problèmes. La France n'a d'autre choix que de remanier largement ses mesures au détriment des impératifs de qualité et de prévisibilité du droit.
D'autre part, je m'inquiète du risque de contrariété avec le droit de l'Union, qui frappe certaines dispositions du projet de loi. Le Gouvernement propose par exemple de nommer la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) parmi les autorités nationales compétentes chargées de la mise en œuvre du DSA, alors même que son considérant 112 précise que les entités désignées doivent agir en toute indépendance et ne pas recevoir d'instructions, y compris d'un gouvernement. Or la DGCCRF est un service de Bercy, qui agit sous l'autorité de son ministre de tutelle. Le Gouvernement a-t-il tenu compte des alertes informelles que la Commission lui a adressées dans le cadre de procédures de notification ?
De façon générale, s'exprime dans le rapport que j'ai présenté en début d'après-midi le regret que la négociation et l'adoption de textes européens aussi structurants pour l'avenir de nos concitoyens se déroulent parfois à l'écart des parlements nationaux. En Allemagne, les échanges sur les sujets importants se tiennent plus ouvertement entre le gouvernement et le Parlement, et les propositions sont mieux partagées entre les institutions.
Nous partageons les objectifs du texte et reconnaissons son intérêt sur ce sujet éminemment important.