Le texte dont nous entamons l'examen est d'importance majeure et attendu par nos concitoyens. Sans surprise, ses titres I et II suscitent un grand intérêt, comme le montre le nombre élevé d'amendements déposés.
La dimension européenne du texte est manifeste. C'est sous présidence française que l'Union européenne s'est dotée d'un arsenal juridique visant à réguler les très grandes plateformes dans l'espace numérique. Notre objectif est donc d'abord de transposer en droit national le DSA et le DMA. Mais nous avons aussi l'occasion de repenser plus globalement l'espace public numérique, en allant plus loin pour protéger nos concitoyens sur internet. La France prend ainsi encore une fois les devants, en étant à la pointe de l'innovation juridique et législative en matière de régulation du numérique. Il nous appartiendra de trouver le juste équilibre entre protection des citoyens, sanctions des abus et préservation des libertés fondamentales sur internet.
Les titres I et II contiennent plusieurs avancées significatives concernant la lutte contre la pédopornographie, contre la diffusion de médias sous sanctions européennes, contre le sentiment d'impunité en ligne et contre les arnaques.
Ce sont 2,2 millions de mineurs qui fréquentent chaque mois des sites pornographiques en France, représentant environ 12 % de l'audience de ces sites pour adultes. Par ailleurs, des centaines de milliers d'images ou vidéos pédocriminelles circulent en libre accès sur internet. Fait nouveau, quand ces contenus ne sont pas mis en ligne par des réseaux pédocriminels, ils le sont parfois par les mineurs eux-mêmes contre de l'argent. Le titre I doit nous permettre de mieux protéger nos enfants face à cette situation, en donnant davantage de pouvoir à l'Arcom, qui pourra déréférencer et bloquer les sites ne vérifiant pas l'âge de leurs utilisateurs.
Le continent européen subit aujourd'hui une crise géopolitique majeure. Certains médias pourtant sous sanctions européennes continuent de véhiculer de fausses informations, notamment à propos de la guerre en Ukraine. Nous allons corriger cette faille pour permettre l'application totale des sanctions quel que soit le canal de diffusion.
Au sujet du sentiment d'impunité en ligne, nous avons la chance d'avoir en France et en Europe des acteurs possédant déjà le niveau de technicité requis pour mettre en œuvre des solutions efficaces à même de sécuriser l'espace numérique. Je les remercie de développer au quotidien une culture du progrès et un sens de l'innovation qui font de la France une grande nation du numérique. Cela étant, nos concitoyens ne peuvent pas comprendre que, malgré l'existence d'outils fiables, la puissance publique ne les protège pas davantage sur internet, surtout quand leurs enfants sont concernés.
Voilà pourquoi la France se dote d'un panel de sanctions mises à disposition non seulement des autorités de régulation, mais aussi du juge, pour lutter contre la cybermalveillance et le cyberharcèlement. La peine complémentaire de bannissement des réseaux sociaux, le délit d'outrage en ligne ou l'amende forfaitaire délictuelle pour les actes de cybermalveillance seront autant d'outils à cette fin.
Je soumettrai à également à vos suffrages la création d'un stage de sensibilisation au respect des personnes dans l'espace numérique, peine que le juge pourra prononcer. Je suis en effet convaincue que nous pouvons améliorer la qualité de notre expérience sur internet en apprenant ou en rappelant à nos concitoyens les règles de bonne conduite à adopter en ligne.
Enfin, chaque année, près de 18 millions de Français sont victimes sur internet d'arnaques en tous genres, qui font subir une perte financière à 9 millions d'entre eux. Il est inacceptable que des milliers de personnes puissent se faire arnaquer par le même site avant toute réaction. Le filtre anti-arnaque permettra donc, dans les conditions que nous déterminerons ensemble, d'apporter une réponse rapide face à ces arnaques de plus en plus élaborées et nombreuses.
En ce qui concerne ce projet de loi, il y aura assurément un avant et un après. Au-delà de nos différences politiques, nous souhaitons tous que le confort de nos concitoyens en ligne soit amélioré et que les abus ne perdurent plus. Nous aurons certainement des solutions différentes à proposer, mais je formule le souhait que nous adressions à nos concitoyens un message de cohésion et d'humilité dans un contexte d'évolution permanente des outils. Si les sujets sont éminemment techniques, je nous crois capables de les aborder avec sérénité.