Mes chers collègues, j'ai la joie de vous retrouver ce soir pour l'audition de M. Bernard Cazeneuve, que je remercie d'avoir accepté de se présenter devant notre commission d'enquête.
Monsieur le Premier ministre, comme vous le savez, nous enquêtons sur les violences qui ont émaillé les manifestations dans notre pays au cours du printemps dernier. Ces rassemblements ont présenté deux dimensions : la contestation de la réforme des retraites, qui a donné lieu à des exactions essentiellement urbaines, et l'opposition à des projets d'infrastructure dans des espaces principalement ruraux, dont Sainte-Soline est devenue le symbole. Votre expérience nous sera précieuse pour remettre ces événements en perspective puisque, dans les fonctions éminentes que vous avez exercées place Beauvau puis à l'hôtel de Matignon, vous avez été confronté à des épisodes similaires. Chacun se souvient des affrontements qui s'étaient produits à l'occasion de la contestation du projet de barrage de Sivens en 2014, puis de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi « travail », avec les conséquences dramatiques que l'on sait.
Un questionnaire vous a préalablement été transmis par notre rapporteur. Je vous invite, si cela vous est possible, à communiquer vos réponses écrites sur les sujets qui n'auront pas été abordés au cours de l'audition.
Il me revient d'introduire nos échanges en vous posant les deux premières questions. En premier lieu, comment expliquer cette éruption de violence, qui devient désormais habituelle à l'occasion des manifestations et qui semble finalement assez récente ? Faut-il y voir une réaction à la crise de la démocratie représentative, ou est-ce le symptôme d'une incapacité croissante de certaines mouvances à se plier à la décision légale et majoritaire qui caractérise l'État de droit ? En second lieu, les forces de sécurité intérieure bénéficient des nouveaux instruments que leur procure le progrès technique pour exercer leurs missions. Je pense aux drones, aux produits marquants, voire aux quads déployés à Sainte-Soline comme nous avons pu le constater en nous rendant sur place en début de mois. Ces équipements permettent-ils de compenser le retrait progressif de l'arsenal des armes intermédiaires, qui facilitaient le maintien à distance ? Comment concilier au mieux leur usage avec les exigences de l'État de droit et la protection des libertés fondamentales ?
Monsieur le Premier ministre, avant de vous donner la parole et en application de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vais vous demander de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.