« Instructions » n'est pas tout à fait le mot. À l'époque où j'étais ministre, le président de la SNCF était Louis Gallois, que je connaissais bien étant donné que nous étions de la même promotion à l'École nationale d'administration (ENA), et en qui j'avais entièrement confiance. Je sais qu'il réfléchissait avec son équipe à d'éventuelles évolutions structurelles. Nous en avions discuté ensemble. Je lui avais conseillé d'être prudent, au regard de ma responsabilité politique dans le domaine des transports. L'ouverture à la concurrence du trafic de voyageurs nous plaçait dans une situation difficile : de grandes manifestations avaient eu lieu à Bruxelles et à Paris. Je dialoguais – dans d'assez bonnes conditions d'ailleurs – avec les leaders syndicaux de la SNCF. Nous n'avions pas non plus envie d'en remettre une couche : le but n'était pas de semer la pagaille.
Il faut se rappeler ce contexte politique : la SNCF faisait partie du patrimoine national. L'ouverture à la concurrence a représenté un changement culturel considérable, qu'il a fallu accompagner. Nous avons d'ailleurs d'abord dû nous convaincre nous-mêmes que c'était possible : pour le gaulliste social que je suis, cela n'avait en effet rien d'une évidence ! Une société nationale exerçant un monopole n'avait rien de contraire à mes idées.
Nous savions bien qu'il y avait un problème sur le fret. La SNCF n'avait sans doute pas consacré l'énergie et l'imagination nécessaires pour être plus à l'écoute de sa clientèle potentielle. C'était aussi l'époque de l'accélération du TGV et de la sécurisation des réseaux. Avec du recul, il semble que la question du fret n'était peut-être pas suffisamment prioritaire.