Cette expérience remonte à loin : aussi serez-vous indulgents, je l'espère, sur ma capacité à restituer l'atmosphère qui régnait de 2005 à la présidentielle de 2007. C'est d'ailleurs à la fin de l'exercice de mes fonctions que Mme Idrac a été nommée à la tête de la SNCF.
La perception du ferroviaire était alors assez différente : l'objectif était avant tout l'accélération du programme TGV – qui a par la suite connu mauvaise presse, avant de susciter un regain d'intérêt. Nous étions fortement mobilisés sur cet enjeu. Les enquêtes publiques étaient difficiles. Nous devions nous pencher sur la deuxième tranche de la ligne Paris-Strasbourg, le début de la ligne Paris-Bordeaux, le contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier et la ligne espagnole. La vision du ferroviaire était positive, dynamique et presque agressive : nous avions misé dessus, nous devions investir et lancions des appels d'offres ; les géants du BTP acceptaient peu à peu de se lancer dans l'aventure.
En parallèle, il y avait le fret ; l'ambiance, au contraire, était morose. Les chiffres en disaient long. Au sein du ministère, nous avions le sentiment de ne pas avoir de réponse ; les dirigeants de l'entreprise, quant à eux, essayaient de trouver des solutions.
Nous nous sommes mobilisés sur des sujets assez précis, comme les autoroutes ferroviaires – notamment la ligne Perpignan-Luxembourg – qui consistent à faire transporter les camions par les trains. Il faut aussi mentionner les projets d'autoroutes ferroviaires alpine et atlantique.
Dans son audition, Mme Idrac a évoqué des goulets d'étranglement. C'était notamment le cas de la région lyonnaise, où j'ai été amené à faire des choix – qui ont été remis en cause après mon départ : je pense ici au contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier. Des difficultés importantes se sont posées. Le projet de liaison ferroviaire transalpine entre Lyon et Turin nous occupait également.
Pour en améliorer la rapidité et l'efficacité, l'utilisation des lignes TGV la nuit pour le fret ferroviaire avait été évoquée ; vous imaginerez facilement les inquiétudes que cette idée a suscitées – elle n'a d'ailleurs pas réellement prospéré.
La mise en place d'opérateurs ferroviaires de proximité avait également été esquissée. Nous y voyions une technique pour rassembler des capacités de transport par le fer, en partant de la proximité, voire, des collectivités locales.
Ainsi, pour le fret, l'ouverture à la concurrence n'était pas réellement un sujet de préoccupation. Le troisième paquet ferroviaire avait abouti à l'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs en 2007 – je me souviens presque physiquement de mes conversations avec les leaders des organisations syndicales à cet égard, car ces derniers, naturellement, s'interrogeaient et s'inquiétaient. S'agissant du fret, notre inquiétude concernait davantage l'effondrement du trafic. Il semblait ne pas y avoir de solution, alors que nous avions mis en place des dispositifs de transfert d'investissements de la part du ferroviaire avec l'Association française des investisseurs en capital (AFIC). Nous souhaitions rééquilibrer la situation, mais nous rencontrions beaucoup de difficultés.