La question du péage est essentielle car, pour le fret comme pour le reste du système ferroviaire, le prix des péages en France est le plus élevé d'Europe, ce qui est une faiblesse et un motif de vigilance. Sans revenir sur le trafic de voyageurs, qui est spécifique et n'est pas l'objet de notre débat, je rappellerai que c'est la raison pour laquelle nous avons instauré des aides au péage pour tous les opérateurs de fret ferroviaire, mesures transversales dont Fret SNCF bénéficie largement. Dans le paquet d'aides à l'exploitation que j'évoquais, deux grandes catégories se distinguent : les aides au wagon isolé et les aides au péage. Plus précisément, dans l'effort que nous faisons pour l'avenir et que j'ai annoncé au printemps 2023 pour la décennie qui vient, et en tout cas jusqu'à 2030, nous maintenons et pérennisons les aides au péage au niveau post-plan de relance et nous augmentons encore les aides au wagon isolé. Sans ces aides au péage, la réduction de la part modale du fret serait sans doute très forte, avec une baisse de compétitivité du fret ferroviaire par rapport aux autres modes de transport de marchandises. Selon une estimation de 2015 du Commissariat général au développement durable, en effet, sans ces mesures, l'augmentation du coût du péage serait de 150 %. Le prix des péages est certes élevé, mais il est compensé par ce mécanisme que nous pérennisons pour l'ensemble des opérateurs de fret ferroviaire dans les années qui viennent. Dans le même temps, nous renforçons et pérennisons aussi, je le répète, les aides au wagon isolé.
Pour ce qui est de la part modale, c'est à la fin des années 1990 et au début des années 2000 que la chute a été la plus spectaculaire, la part du fret ferroviaire dans l'ensemble du fret total, qui était de 20 % environ au début de la décennie 1990, chutant jusqu'au début des années 2000 pour se stabiliser en 2006 à un point bas, de l'ordre de 10 %. La situation est ensuite restée assez stable autour de ce chiffre jusqu'à une date très récente où, depuis notamment le réinvestissement permis par le plan de relance, nous sommes parvenus à faire réaugmenter – de manière certes encore modérée, autour de 11 % – la part modale du fret. Le trafic est désormais le plus élevé en volume depuis 2015 et la part modale la plus élevée depuis 2017.
Notre objectif, fixé par le Parlement, est ambitieux : il s'agit de doubler la part modale par rapport à la référence de 9 % fixée au moment de l'adoption de la loi « climat et résilience », estimation basse qui devrait être portée à 18 % d'ici à 2030.
Comment expliquer à la fois la persistance des aides et la sécurité des aides existantes ? Pour ce qui concerne la persistance des aides, je ne peux pas interpréter toutes les décisions prises ces dernières années, mais les aides à l'exploitation et au fonctionnement successivement créées montrent bien que le problème n'était pas une forme d'abandon par l'État de l'opérateur Fret SNCF, qui était très soutenu – mais cela n'a pas permis d'augmenter la part modale, ce qui montre que ce n'était pas là le seul problème. Je ne peux pas évaluer le risque juridique pris à l'époque, mais nous avons accumulé les éléments d'une situation jugée – je m'exprime prudemment, car la procédure est en cours – illégale par la Commission européenne sur plus de dix ans.
Je répète que les dernières aides créées par mes deux prédécesseurs, notamment au moment du plan de relance, ont été notifiées et validées par la Commission européenne. Le cadre juridique dans lequel nous nous inscrivons aujourd'hui, où 300 millions deviennent 330 millions par an de soutien à l'exploitation, est validé et il faudra de toute façon le notifier à nouveau pour l'avenir, selon la procédure européenne, au cours de l'année 2024. Étant donné que nous octroyons les mêmes types d'aides que celles qui sont validées et s'appliquent depuis, au moins, le plan de relance, je ne doute guère de leur validation par la Commission : bien que nous augmentions le niveau d'aide, nous n'en changeons pas la nature.
La question était légitime, mais il ne faut pas rejouer le match du passé : nous avons aujourd'hui un cadre d'aides assumé, et l'Europe n'interdit pas davantage les aides au fret ferroviaire que l'existence d'un opérateur du fret ferroviaire public. Ne faisons pas de mauvais procès ! Il n'y a pas d'interdiction de principe aux aides, qui doivent être notifiées intégralement et validées pour s'inscrire dans le cadre autorisé. Celles qui sont aujourd'hui en vigueur ont été validées et seront notifiées à nouveau dans les prochains mois.