Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du mercredi 27 septembre 2023 à 21h30
Motion de rejet préalable (projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027) — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Le projet de loi que nous examinons ce soir présente une programmation bancale à plusieurs titres. Premier point, permettez-nous de considérer vos hypothèses économiques comme irréalistes ou, comme le déclare le Haut Conseil des finances publiques, optimistes – je dirais même très optimistes.

Vous estimez qu'avec un taux de 1,35 % en moyenne annuelle sur la période, la croissance sera portée par la hausse de l'investissement, la baisse du taux d'épargne des ménages et la hausse du taux d'activité. Toutefois, messieurs les ministres, le premier facteur est hasardeux puisque les taux d'intérêt remontent et pénalisent l'investissement.

Le deuxième critère est très aléatoire, car ce n'est pas le taux d'épargne brut qui importe, mais le taux d'épargne net des remboursements d'emprunts. En effet, les ménages se sont beaucoup endettés lorsque les taux d'intérêt étaient très bas et nous assistons désormais à une augmentation des remboursements de leur part. Ce qui compte, c'est en réalité le taux d'épargne nette, c'est-à-dire l'épargne disponible qui peut servir à des investissements divers et variés ou, d'ailleurs, être conservée en liquide comme on le constate hélas beaucoup.

Le troisième critère est également loin d'être confirmé puisque, si depuis 2017, le taux de chômage des demandeurs d'emploi de catégorie A a certes diminué de 9 % à 7 %, la Banque de France prévoit une remontée de ce taux en 2024. En réalité, la vraie question est de savoir pourquoi la productivité apparente du travail baisse. Quels en sont les facteurs ? Ceux-ci ne sont pas suffisamment analysés ni traités. Pourtant une baisse de la productivité apparente du travail signifie qu'il y aura moins de richesses à partager : dans ce cas, l'ensemble de votre schéma s'effondre.

Enfin, vos dernières prévisions ne semblent pas tenir compte de la remontée très rapide des cours du pétrole, qui est passé de 80 dollars le baril en juillet dernier à plus de 90, voire 95 dollars actuellement, en raison d'une stratégie de l'Arabie Saoudite et de la Russie de réduire la production. S'ils maintiennent cette stratégie pendant quelques années, il en résultera un prélèvement sur le pouvoir d'achat des pays consommateurs de pétrole.

Deuxième point, nous ne partageons pas votre analyse sur les conséquences d'un éventuel rejet du texte en matière d'aides européennes. Vous entendez, dites-vous, respecter vos engagements vis-à-vis de la Commission européenne et éviter ainsi de faire peser un risque financier sur notre pays. Toutefois, avez-vous été couverts par le Parlement avant de vous engager sur plus d'une centaine de jalons, comme vous les appelez, dont celui-là ?

L'argument juridique selon lequel le prochain versement des fonds du plan de relance européen pourrait être supprimé est inexact : nous disposons d'une note de la commission des finances indiquant que ce sera peut-être le cas, mais peut-être pas. A contrario, ce qui est certain, c'est qu'avec un déficit structurel de 4,2 % du PIB à la fin de l'année 2022 et de 4,1 % en 2023, notre crédibilité budgétaire est très affaiblie et nous pourrions être concernés dès le printemps prochain par l'activation de la procédure européenne pour déficit excessif – cela nous pend au nez, que nous adoptions ou non une loi de programmation des finances publiques.

Au lieu de vouloir nous convaincre de voter un texte qui ne nous convient pas, accélérez plutôt la trajectoire de réduction des déficits et nous voterons votre loi de programmation, répondant ainsi à la menace concernant le plan de relance européen et au risque, plus réel, d'une sanction pour déficit excessif.

Nous, députés du groupe LIOT, sommes profondément proeuropéens. Toutefois, nous n'utiliserons en aucun cas l'Europe comme une menace pour contraindre le débat démocratique national. Nous pensons qu'il est encore possible que la France respecte les critères budgétaires de Bruxelles tout en restant un pays souverain.

Enfin, le troisième point concerne la dette. Je pourrais vous décerner, monsieur le ministre, la médaille des 3 000 milliards de dette publique ; je pourrais en décerner aussi une à votre jeune collègue pour les 700 milliards de dettes supplémentaires depuis six ans que vous gérez nos finances.

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