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Intervention de Thierry Vincent

Réunion du lundi 26 juin 2023 à 18h00
Commission d'enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d'action des groupuscules auteurs de violences à l'occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements

Thierry Vincent, journaliste :

Vous me prêtez un savoir que je ne détiens pas. Encore une fois, je n'ai pas fait d'infiltration. Contrairement à ce que dit Mme Edwige Diaz, je ne suis pas complice des black blocs. Je n'ai même jamais été à l'intérieur d'un black bloc. Je ne me suis évidemment pas habillé en noir. Je n'ai rien fait d'illégal. Je suis toujours resté observateur, avec un brassard de presse, regardant avec la distance de sécurité requise. Je ne suis pas dans le secret des dieux. Je suis incapable de vous répondre de manière aussi précise que vous le souhaitez.

Je vois des gens qui se cagoulent à un moment. Mais j'ignore qui donne un signal et comment. Je pense que les codes changent d'une manifestation à l'autre. Mais je ne les connais pas. Y a-t-il d'ailleurs des codes secrets ? Sur place, je constate une division des tâches : ceux qui vont tenir les forces de l'ordre à distance, ce qui signifie se confronter à la police pour qu'elle n'intervienne pas lors des dégradations, ceux qui essaient de dissimuler le visage des autres aux caméras de vidéo-surveillance… Il y a vraisemblablement une division des tâches de cette sorte. J'en sais beaucoup moins que la police à ce sujet. Ce n'était pas mon objet d'étude.

Je ne crois pas tenir de propos contradictoires sur la police. Plusieurs éléments doivent être pris en considération : le nombre de policiers, où ils se placent et ce qu'ils font. Je crois que le préfet de police Laurent Nuñez, à l'automne dernier, n'a pas employé moins de policiers. Mais il les a placés dans les rues adjacentes, un peu plus loin et un peu plus discrètement. Ils étaient presque invisibles et il n'y a pas eu de dégradation. Ce n'est pas une question de nombre. Mettre les forces de l'ordre à touche-touche avec les manifestants dans un rassemblement où une étincelle peut provoquer le désordre, ce n'est pas la bonne technique. La proximité immédiate des policiers est facteur d'augmentation des tensions. C'est ce que j'ai dit.

Le phénomène des black blocs n'est pas spécifiquement français. Il est né en Allemagne et c'est effectivement lors des sommets internationaux qu'ils apparaissent, pour la première fois en 1999 à Seattle où, à la surprise générale, ils parviennent à interrompre le sommet. C'est leur grand succès. À Gênes, cela se termine beaucoup plus mal, avec un mort. Le phénomène n'est véritablement arrivé que tardivement en France, en 2016. On avait bien vu un black bloc lors du sommet de l'Otan en 2009, mais c'était en raison de la proximité de l'Allemagne. Le phénomène n'est donc pas français. Mais maintenant, les Français sont presque en avance. Nous sommes le pays européen où les black blocs sont les plus actifs et les plus nombreux, où ils causent le plus de désordre en manifestation. En Allemagne, le phénomène est beaucoup moins développé qu'avant. Il perdure un peu en Italie, mais également moins qu'avant. Il reste la Grèce mais ce n'est pas comparable étant donné la petite taille du pays. Donc oui, il y a une spécificité française ces dernières années.

Je maintiens que les policiers sont surarmés, ou qu'en certaines occasions des armes sont utilisées qui ne devraient pas l'être, et que la réponse policière est parfois disproportionnée. Évidemment, il y a des cas de violences de l'autre côté. Mais je pense vraiment que baisser la tension suppose une présence policière la plus discrète possible, une réponse la plus mesurée et la plus proportionnée possible.

Mais ce qui est vraiment spécifique à la France, c'est que c'est un pays où on ne se parle plus. Le taux d'abstention y est considérable. Il n'est comparable ni en Italie ni en Allemagne. C'est un pays où les gens ne croient plus en la politique, phénomène qui certes ne concerne pas seulement la France. Or, aucune autre grande démocratie occidentale n'organise le pouvoir de façon aussi verticale et, pardonnez-moi de le dire, aussi autoritaire. C'était vrai avant le président actuel. Mais je puis vous dire, de ce que j'entends dans les manifestations, qu'il est perçu comme très, très autoritaire. Certes, il paie aussi pour ce qui a été fait avant son accession au pouvoir. Il y a quand même des particularités en France, où les black blocs ne sont pas complètement coupés du reste de la manifestation. Il existe un continuum et des gens ont de la sympathie pour eux. Cela ne fait probablement pas plaisir, mais c'est ainsi. J'ajoute qu'il y a une autre spécificité française : nous organisons plus de manifestations qu'ailleurs. Le Président de la République a parlé de « Gaulois réfractaires ». Cet aspect existe. Le dialogue constructif est difficile si bien que les choses se passent souvent par des voies illégales et violentes.

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