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Intervention de Thierry Vincent

Réunion du lundi 26 juin 2023 à 18h00
Commission d'enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d'action des groupuscules auteurs de violences à l'occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements

Thierry Vincent, journaliste :

La diversification des profils est un processus continu depuis plusieurs années. Elle date surtout de l'épisode des gilets jaunes, qui ont été confrontés à une réponse policière forte entraînant beaucoup de blessés et qui ont perçu cela comme des violences policières. Il y a une sorte d'alliance avec les black blocs qui leur ont prêté main forte et leur ont montré comment, selon leur terme, « se défendre » contre la police. Je pense que ce qui a attiré beaucoup de gens. De même, lors de la contestation de la réforme des retraites, qu'il n'y ait aucune avancée en dépit de la durée et du succès du mouvement en a probablement désespéré certains, et les a convaincus que cette méthode illégale était préférable.

Bien entendu, pour écrire mon livre, j'ai rencontré des gens qui font partie de la mouvance, qui prônent ce genre d'actions et les pratiquent, même si j'ignore à quel niveau. Je n'ai pas voulu en dire trop, vous le comprenez, pour préserver le secret des sources.

Qu'est-ce qui a pu déclencher cela ? Je me souviens de la génération des lycéens de 2016. Un élément déclencheur a, à mon avis, fait basculer ce mouvement et provoqué la constitution d'un vrai black bloc à la française dans ces manifestations : l'incident du lycée Bergson à Paris. C'était le premier mouvement social que tous les portables filmaient. Le lycée Bergson, dans le XIXe arrondissement de Paris, était bloqué. Ça chahutait un peu et des policiers sont intervenus de manière musclée, c'est le moins que l'on puisse dire. L'un d'eux, condamné depuis, se livre à des violences, fait tomber un lycéen à terre, le relève et lui adresse un coup de poing. Les images sont diffusées partout. À l'époque, on n'avait pas conscience de la puissance des réseaux sociaux : ça s'est répandu comme une traînée de poudre. Le lendemain matin, le commissariat du XIXe arrondissement a été attaqué par ces lycéens. Ils étaient des centaines. C'était très impressionnant. J'en connais un certain nombre. Ils m'ont dit qu'ils se sont habillés en noir du jour au lendemain à la suite de cet événement. Nous défilions tranquillement, naïvement m'ont-ils dit, et nous nous sommes radicalisés . Beaucoup disent que cette confrontation avec la violence policière a été la source de leur révolte. Elle les a fait basculer dans une manière de manifester illégale et violente. D'autres peuvent avoir des blessures intimes : il y a autant d'histoires que d'individus. Certains ont vu les huissiers chez eux tous les quatre matins et cela les a révoltés. Il y a aussi de très jeunes gens qui ne savent pas qu'il faut demander une autorisation pour manifester : ils y vont à n'importe quelle heure, chahutent et se trouvent confrontés à un maintien de l'ordre vigoureux et parfois violent. C'est un élément déclencheur fréquent. Ensuite, il y a un effet tache d'huile : connaître une victime de violences a été décisif pour beaucoup.

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