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Intervention de Thierry Vincent

Réunion du lundi 26 juin 2023 à 18h00
Commission d'enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d'action des groupuscules auteurs de violences à l'occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements

Thierry Vincent, journaliste :

Je constate, je le répète, qu'il y a une réponse de plus en plus ferme de la police, à l'exception de quelques épisodes que je vais rappeler, et que les moyens des forces de l'ordre sont de plus en plus importants. Quatre mille gendarmes pour une manifestation de huit à dix mille personnes à Sainte-Soline, c'est considérable. À titre de comparaison, il est rare qu'il y ait plus de cinq à six mille membres des forces de l'ordre à Paris. Plus grands ont été les moyens de la police, plus ferme a été la réponse. J'ai compris que vous appelez de vos vœux une réponse plus ferme. Mais je ne suis pas sûr qu'elle soit forcément appropriée, en premier lieu parce qu'une répression accrue entraîne toujours le risque de victimes collatérales parmi des gens qui n'ont rien fait.

Il est heureux que les poursuites judiciaires et les peines soient individualisées en France. Ce n'est pas parce que vous n'êtes pas loin d'un groupe à un moment donné ou parce que vous êtes dans le cortège de tête que vous avez commis un acte répréhensible. Ce n'est pas parce que vous marchez dans le cortège de tête et que quelqu'un a commis des dégradations que l'on peut vous en accuser. Il est difficile de cibler précisément les personnes directement responsables des dégradations. Vous aurez noté que beaucoup de gens placés en garde à vue sont relâchés sans poursuites parce qu'il n'y a pas d'éléments contre eux. Certains me diront, je le sais, que la justice est laxiste et que ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'éléments contre eux qu'ils ne sont pas coupables. Certes, être relâché faute de preuve ne signifie pas que vous êtes innocent. Mais enfin, l'un des principes fondamentaux de notre droit est que la culpabilité d'un accusé doit être prouvée ! Ce principe doit s'appliquer dans ces cas comme dans d'autres. Sinon, on s'engage dans un engrenage dangereux.

Observez les manifestations qui se sont déroulées depuis dix ou quinze ans, et même celle qui a eu lieu contre la loi travail en 2016 : il y a eu des violences, mais moindres que maintenant. Pourtant, on place plus de forces de l'ordre, on leur donne des armes que l'on n'utilisait pas auparavant et dont il m'a été dit que certaines étaient classées armes de guerre. C'est dire qu'elles sont assez dangereuses. Des dizaines de personnes mutilées, qui auront des séquelles à vie, n'avaient pour la plupart rien fait de grave. Rien, en tout cas, ne méritait ça. Une répression plus forte risque de s'abattre indistinctement et, contrairement au but recherché, de radicaliser encore davantage. En effet, des gens disent que leur motivation pour se positionner dans le cortège de tête et à proximité du black bloc, qu'ils soutiennent plus ou moins ou qu'en tout cas ils comprennent, c'est que le bloc est perçu comme un service d'auto-défense de la manifestation. J'ai entendu prononcer le terme.

La police est ressentie comme une force ennemie commettant des violences. Je ne suis pas venu pour dire si c'est à juste titre ou non, mais pour rapporter des impressions et des propos que j'ai recueillis. Cela peut déplaire. C'est ainsi qu'elle est perçue par beaucoup de manifestants, et je ne parle pas de l'ultragauche mais des gilets jaunes. Encore une fois, dans le cortège de tête, la plupart des mots d'ordre sont désormais des slogans anti-policiers plus que des revendications politiques d'extrême gauche classiques.

Selon moi, on est dans une stratégie d'escalade. Je n'accuse pas la police en tant que telle. C'est le pouvoir politique qui est responsable. On observe, par exemple, que tout le monde prévoyait une rentrée sociale difficile à l'automne dernier. La France insoumise avait appelé à quelques manifestations, comme les syndicats, et il n'y a pratiquement pas eu d'incidents. Pourtant, les black blocs étaient là. Mais il n'y a pas eu d'exaction. La stratégie du préfet Laurent Nuñez, qui venait d'être nommé, était de rendre la police la moins visible possible. Des forces très visibles et très proches des manifestants, c'est un élément de tension. Sous la direction du précédent préfet de police Didier Lallement, il y a eu un moment où les manifestations impliquaient carrément tout le monde : il y avait des cordons de police des deux côtés du défilé, ce que certains manifestants perçoivent comme agressif et violent. Lors des cortèges de cet automne, les forces de police étaient extrêmement discrètes et il y a eu très peu de dégradations. La presse a salué l'événement. À mon avis, plus on durcira la répression, plus forte sera la réaction de l'autre côté, et plus souvent des gens qui n'étaient pas violents se convaincront que c'est la seule manière de se faire entendre.

Quant à votre dernière question, je ne sais plus qui se trouve au sein des black blocs. Leur composition a énormément changé. Ce ne sont plus exclusivement les militants d'ultragauche ou d'extrême gauche, mais aussi beaucoup de gens qui n'étaient pas politisés il y a deux ou trois ans. Maintenant, ils sont de fait au nombre des black blocs, en tout cas à l'occasion de certaines manifestations. C'est pourquoi la situation est compliquée à résoudre.

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