J'ai oublié de le dire en préambule mais je l'ai écrit dans mon ouvrage. J'ai rencontré des personnes de cette mouvance mais, contrairement à ce que les media ont parfois dit, ce n'était pas une infiltration, peut-être une immersion limite si l'on veut. Je me suis toujours présenté comme journaliste et je n'ai pas voulu me trouver dans des situations ambiguës, par exemple avec des gens qui préparent des coquetels Molotov. Je me limite à observer ce qui se produit dans une manifestation. Je ne sais pas forcément ce qui se passe en amont. Je ne suis pas dans les petits secrets. Je peux seulement dire ce que j'ai vu, comme beaucoup d'autres observateurs le pourront également.
Je pense que certains vont en manifestation sans avoir forcément dans l'idée de devenir un black bloc et d'agir comme tel. Pour beaucoup, c'est l'opportunité qui se présente. Ils ont des vêtements noirs dans leur sac ou un tissu noir qui servira de masque en cas de besoin. Ils décident en fonction du rapport de forces si le moment s'y prête, selon qu'il y a ou non sur place beaucoup de radicaux prêts à passer à l'action. Comment opèrent-ils ? On l'a vu sur les images télévisées. Une fois cagoulés, je ne sais plus qui ils sont. Je vois ce que n'importe qui voit en regardant la télévision, comment ils essaient de se dissimuler avec des parapluies, de se cacher derrière une banderole. Il y a une certaine répartition des tâches : certains cassent des cailloux avec un burin pour fournir des munitions, d'autres font le guet pour prévenir de l'arrivée de la police. J'ignore ce qu'ils préparent exactement en amont. J'ai l'impression que cela se fait relativement spontanément. Parfois, on voit des gens qui, je le pense vraiment, n'avaient pas prévu d'aller à l'affrontement, comme cet homme âgé d'une cinquantaine d'années, énervé et même pas cagoulé, qui a jeté un projectile sur la police. Je n'ai pas connaissance de groupuscules vraiment structurés préparant méthodiquement, de manière militaire, ce genre d'action. Si cela existe, ce n'est pas à moi, journaliste, qu'ils se confieraient.