Les marches, les rapports scientifiques, les pétitions, les recours en justice, les grèves lycéennes, les alertes, les mesures internationales, les rendez-vous de plaidoyer, les luttes locales, les discours aux Nations unies : rien n'a été entendu. Nous en sommes réduits à bloquer des routes, à mener des actions coup de poing et à nous retrouver en garde à vue, tout cela pacifiquement, pour vous faire agir.
Je ne sais pas quelles histoires se racontent les gens au pouvoir. Mais laissez-moi vous dire ce que je vois autour de moi, dans la lutte. Je vois d'autres jeunes gens qui, comme moi, sont poussés vers le précipice. Quand on a mon âge et qu'on regarde la réalité en face, quand on fait ce choix-là, on doit faire le deuil de ses projets de vie, de ses projets de famille, de son avenir. Imaginer un futur à plus de cinq ou dix ans n'a strictement aucun sens pour moi et tous les jeunes comme moi.
En face de nous, il y a des gens, souvent plus âgés, qui exigent que l'on se taise au lieu de nous tendre la main pour essayer de nous aider face à cette catastrophe. J'espère que vous saisirez un jour l'aliénation que cela représente. Cette injonction au silence devant la fin du monde que nous connaissons est une chose que l'histoire retiendra comme profondément obscène. Tout cela est déjà tellement violent que les intimidations ne peuvent plus tellement attaquer notre détermination, malheureusement. Nos mouvements peuvent être dissous. Nous pouvons être stigmatisés, poursuivis, placés en garde à vue ou mis en prison. Nous ne nous arrêterons pas. L'élan et le mouvement ne s'arrêteront pas. Face au plus grand défi que l'humanité ait jamais eu à relever, nous devons être à la hauteur. Nous n'avons pas d'autre choix. La répression de notre action est dérisoire face à ce qui nous attend si l'on choisit de ne rien faire. Chaque fois que l'un de nous sera mis en cellule, tabassé, intimidé, vous verrez que parmi nous, parmi ceux qui défendent la vie sur la planète, personne ne tremble. Nous faisons face à une peur infiniment plus grande. J'espère que chacun ici le comprend.
J'aimerais ajouter une chose, qui explique aussi notre présence ici. Si la résistance civile non violente n'est pas entendue, ce sont des générations entières qui seront encore plus acculées, encore plus désespérées. Cela, c'est extrêmement dangereux. Le réchauffement climatique ne s'arrêtera pas par magie. Par conséquent, la lutte ne s'arrêtera pas non plus. La répression n'y changera rien. Vous êtes les personnes au pouvoir, les puissants dans ce combat. Vous avez donc le pouvoir de décider de la forme qu'il prendra. Sur la question des violences, comme sur le reste, la balle est dans votre camp.
Vous voulez préserver la société des affrontements et de la violence ? Alors validez les méthodes non violentes au lieu de les criminaliser. Donnez des victoires politiques à la résistance civile non violente. Toutes les autres solutions seront nécessairement chaotiques. Qui protégera les populations ? Qui protégera les Français ? Qui protégera nos familles, vos familles ? Qui nous protégera face aux ravages du réchauffement climatique ? Pour l'instant, le Gouvernement ne le fait pas. C'est un fait reconnu en justice. Chaque personne, chaque adulte a donc la responsabilité de regarder la réalité en face, d'agir et de ne pas cesser de le faire tant que le Gouvernement ne prendra pas ses responsabilités.