À l'époque, les sujets relatifs au réchauffement climatique étaient bien moins présents dans les esprits et les propos politiques qu'ils ne le sont de nos jours, en dépit du discours du président Chirac à Johannesburg. Cet état de fait est facilement vérifiable, par exemple en comparant les interventions prononcées à l'Assemblée nationale.
Ensuite, il s'agissait non pas d'abandonner le fret ferroviaire mais de le recentrer sur les domaines dans lesquels il était le meilleur, où il y avait énormément de parts de marché à prendre. Les trains cadencés et complets étaient peu nombreux, et de nombreux chargements qui auraient pu être transportés par voie ferroviaire l'étaient par la route.
Ainsi, à Vannes, où j'étais conseiller municipal, une usine Michelin recevait, grâce à un embranchement ferroviaire, ses bobines de tôle par des trains complets et cadencés en provenance des aciéries de l'Est et du Nord de la France. Mais elle a été alimentée de plus en plus par camions car les retards de trains compliquaient la production.
Par ailleurs, nous avons essayé de développer des solutions alternatives à la route. Le transport combiné rail-route semblait devoir s'amplifier. Nous avons lancé des chantiers dans plusieurs gares en vue de faire monter les camions sur les trains. L'idée, qui n'a pas prospéré, ne semblait pas idiote. En tout état de cause, une fois le train en gare, la rupture de charge est inévitable pour acheminer le chargement du train jusqu'à l'entreprise ou à l'entrepôt. Cette perspective relevait d'une forme de réalisme, mais se heurtait à plusieurs obstacles techniques.
Enfin, nous avons essayé de développer le transport de camions par bateau, par exemple entre la France et l'Italie en partenariat avec le groupe Louis-Dreyfus. Ces lignes appelées « Ro/Ro » – roll on / roll off – suscitaient de l'espoir : rapides, elles permettaient au chauffeur de dormir sur le bateau et d'arriver, sans traverser les Alpes, depuis Toulon, au cœur de l'Italie.
Il ne s'agissait donc pas de se résigner à la suprématie de la route. Un constat réaliste s'imposait : de nombreuses entreprises industrielles étaient passées au transport routier parce qu'il fonctionnait mieux que le fret ferroviaire, ce qui ne nous empêchait pas de chercher à le relancer.