Intervention de François Goulard

Réunion du mardi 12 septembre 2023 à 14h00
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

François Goulard, ancien secrétaire d'État aux transports et à la mer :

Sur ce dernier point, il est évident que la question de l'émission de gaz à effet de serre était beaucoup moins présente à cette époque-là. Le développement du fret ferroviaire devait surtout contribuer à la réduction du nombre de camions sur les routes. Cette préoccupation revenait souvent lorsque j'étais interrogé, à l'occasion des questions orales sans débat, sur la fermeture programmée par la SNCF de telle ou telle gare destinée au transport de bois, dont le trafic était insignifiant. Si l'on n'évoquait pas le réchauffement climatique, on m'objectait que cela conduirait à augmenter le nombre de camions transportant des billes de bois. Nous avons clairement changé d'époque.

J'en viens aux relations entre la SNCF et RFF. Ce dernier était un établissement récent, qui prenait ses marques. Son président avait une forte personnalité et il voulait affirmer la présence de son établissement dans le paysage ferroviaire. Or RFF dépendait alors des services techniques de la SNCF pour les études préalables aux travaux, car on n'avait pas transféré l'ensemble des personnels concernés – ce qui aurait dû être fait en bonne logique. C'était une source quotidienne de conflits.

Les choix d'investissements ne suscitaient pas de dissensions ouvertes qui auraient nécessité des arbitrages ministériels, mais on savait qu'il y avait de temps en temps des chamailleries.

Vous avez dit très justement que les investissements ferroviaires avaient augmenté à cette époque. Mon prédécesseur avait commandé un rapport à l'École polytechnique fédérale de Lausanne, rédigé par un très bon spécialiste. Celui-ci avait mis en évidence une dégradation assez sérieuse du réseau ferroviaire français. Nous avions pu obtenir une augmentation des budgets et de grands travaux étaient en cours ou programmés. Une bonne partie concernait les lignes à grande vitesse (LGV). La LGV Est européenne était quasiment achevée à cette époque. J'avais lancé l'enquête publique pour la LGV Bretagne-Pays de la Loire. Nous avions des moyens.

Peut-on dire que nous avons privilégié le transport de voyageurs plutôt que le fret ? Il faut faire la part des choses. Les LGV coûtent en effet cher et ne concernent que le transport de voyageurs. Mais pour les lignes classiques, l'investissement est commun, de telle sorte que l'on ne peut pas dire que le transport de passagers ou de fret est privilégié. S'agissant du matériel roulant, je n'ai pas de souvenir précis, même s'il me semble que les locomotives destinées au fret n'étaient pas les plus modernes. Cela étant, je n'ai pas le sentiment qu'il s'agissait de l'explication principale de la mauvaise performance du fret ferroviaire à cette époque-là. C'était plutôt la conséquence de l'organisation et de relations sociales difficiles. En outre, le fret occupe beaucoup de place sur le réseau parce qu'il est lent. Il est donc plus difficile de lui affecter un sillon par rapport au transport de voyageurs, plus rapide.

Je ne dirais pas que la volonté de redresser le fret ferroviaire primait sur tout, mais c'était quand même une préoccupation.

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