La faiblesse du tarif des péages fret a forcément un effet sur la mobilisation des équipes de SNCF Réseau. J'aborderai cependant le sujet sous un autre angle. L'État est actionnaire mais il tient également à développer le fret. Celui qui dirige SNCF Réseau se trouve donc systématiquement pris en étau entre des injonctions contradictoires. D'un côté, nous devons rendre le fret attractif, de l'autre nous devons contenir les dépenses. C'est pour cette raison que nous avons réussi à obtenir des subventions qui compensent la perte de gains que nous aurions été en droit d'espérer si nous n'avions pas baissé le tarif du péage de fret. Dans les faits, la compensation n'est pas parfaite. Surtout, elle se retrouve noyée dans une grande discussion budgétaire. Pour être honnête, je reconnais bien volontiers que le fait de se sentir surveillé de près par le ministère du budget n'était pas très motivant.
Cela étant dit, il reste le sujet de l'organisation interne de SNCF Réseau. Lorsque j'en ai pris la tête, il existait une direction chargée d'attribuer les sillons. Elle comptait d'excellents experts à qui il manquait cependant la fibre commerciale. J'ai essayé d'apporter du changement, tout en continuant à m'appuyer sur ces gens dont les indéniables compétences étaient indispensables pour démêler l'écheveau des milliers de sillons. J'ai donc créé un poste de « patron » du fret, chargé de défendre les entreprises de fret au sein de SNCF Réseau, d'obtenir des sillons, de fluidifier les relations. Cette initiative a porté ses fruits puisque la situation s'est améliorée mais il reste beaucoup à faire pour espérer être à la hauteur de la lutte contre le dérèglement climatique.
Le fait que nous devions diminuer le tarif du péage de fret n'a pas suffi à décourager le personnel de SNCF Réseau qui reste motivé pour développer le fret. Il faut amplifier le mouvement et inciter les gens à aller plus loin. Par exemple, pourquoi ne pas dédier un directeur grands comptes à chaque société de transport pour développer avec les uns et les autres, qu'il s'agisse de Naviland Cargo ou de DB Cargo, des relations particulières qui leur permettraient de mieux comprendre leurs besoins et de les anticiper ?
Vous avez évoqué la discontinuité de Fret SNCF. Personnellement, je serais très favorable à sa complète filialisation. Mais qui en serait l'actionnaire ? Il faudrait qu'il ait le souci de développer Fret SNCF. S'il y est déterminé, il n'y a aucune raison pour qu'il n'y parvienne pas. SNCF y est bien arrivé avec Naviland Cargo ou Captrain France. Bien évidemment, il faudrait en débattre mais c'est une idée qui pourrait donner de bons résultats.
J'insiste sur le fait que l'État devra au préalable établir une stratégie pour développer le fret. Le risque que l'on prend, en privatisant Fret SNCF, est que soient fermés tous les secteurs déficitaires pour ne développer que les rentables. Une privatisation de Fret SNCF devra s'accompagner d'une réglementation et de dispositifs incitatifs. Interrogez les Belges à propos de Lineas – le résultat n'est pas brillant.