Il est possible de parler puisque nous l'avons fait, mais je ne m'étais pas rendu compte des conséquences que cela aurait. Il me tenait à cœur d'expliquer ce qu'il m'était arrivé car j'avais disparu du monde sportif du jour au lendemain – on pensait que j'étais blessée ; cela m'a fait du bien de dire la vérité, mais je comprends pourquoi beaucoup de victimes, hommes ou femmes, ne veulent pas porter plainte ou en parler publiquement : l'omerta est trop forte, et je m'interroge sur mes capacités à continuer d'évoluer dans le monde du sport de haut niveau. J'entends, en effet, beaucoup de commentaires négatifs à propos de nos témoignages : nous ne sommes pas prises au sérieux et nous nous trouvons accusées de chercher la lumière, alors que nous parlons avant tout pour aider les autres et faire avancer la prévention.
J'ai d'ailleurs reçu beaucoup de témoignages de filles ayant vécu des événements comparables, alors que je pensais être seule au monde. Les messages sont tellement nombreux qu'ils me paraissent maintenant presque banals. Plus nous serons nombreuses à nous exprimer publiquement et plus les choses pourront changer : j'incite toujours mes interlocutrices à parler, mais je comprends que cela soit très difficile ; énormément de plaintes sont classées sans suite car il est presque impossible d'apporter des preuves et la fédération n'agit pas. Les victimes sont très démunies et deviennent la cible des sportifs de haut niveau qui les accablent.