Je remercie Claire pour son témoignage, qui me touche particulièrement parce que nous nous sommes entraînées plusieurs mois ensemble à l'Insep. Je n'avais aucune idée de ce qu'elle avait vécu et je suis bouleversée par son témoignage.
En 2014, j'ai subi des agressions sexuelles de la part d'un entraîneur fédéral de l'équipe de France lors des championnats du monde juniors – pour les athlètes de moins de 20 ans – qui se sont tenus aux États-Unis. Je n'en ai fait part qu'en 2018 car on parlait encore très peu des violences sexistes et sexuelles (VSS) en 2014. Je savais que c'était grave, que cet entraîneur ne s'était pas comporté de manière normale et appropriée avec une athlète de 19 ans, mais je ne m'étais pas rendu compte que ses agissements constituaient des violences sexuelles. Ce n'est qu'après le lancement du mouvement #MeToo que j'ai pris conscience de ce qui s'était produit. J'en ai parlé à la FFA et j'ai déposé une plainte, qui a été classée sans suite en 2020. En 2014, j'avais évoqué les faits auprès de mon entraîneur de pôle, qui n'avait pas du tout été sensibilisé aux violences sexuelles et qui a très peu réagi. J'ai continué de côtoyer l'auteur des faits entre 2014 et 2018 lors des grands championnats et des stages, même si j'essayais de l'éviter le plus possible.
En 2018, à la suite de mon dépôt de plainte, la FFA et la direction des sports du ministère ont réuni des commissions disciplinaires : la fédération a sanctionné l'entraîneur d'une suspension de six mois avec sursis, qui a finalement été levée après l'appel formé par cet homme, qui n'entraîne plus en équipe de France après que certains responsables ont décidé de l'écarter ; en revanche, il me semble qu'il entraîne toujours en club et en pôle.
Lors de mon passage à l'Insep entre 2018 et 2020, j'ai subi un harcèlement sexuel de la part d'un sportif. J'en ai pris conscience après en avoir parlé avec d'autres sportives qui souffraient des mêmes agissements de la part de cette personne. La police m'a demandé si je voulais déposer plainte, mais je m'y suis refusée car j'en connaissais le coût et la durée. À cette époque, je ne savais plus si je voulais continuer le haut niveau ; finalement, j'ai décidé, contrairement à Claire, de mettre un terme à ma carrière de sportive de haut niveau parce que les violences étaient trop présentes. Il ne faut en effet pas circonscrire ces dernières aux violences sexuelles car il existe d'autres types de violences, qui facilitent la survenue des agressions sexuelles en donnant à leurs auteurs le sentiment d'être tout-puissants, qui nourrissent le sentiment d'exclusion des victimes et qui les poussent vers la sortie. Il me tient à cœur d'évoquer aussi ces autres formes de violence au cours de la présente audition.