Les pesticides, les produits phytopharmaceutiques en particulier, sont des substances actives composées de diverses substances chimiques et éventuellement de coformulants, qui présentent la propriété de subsister, après usage, dans des milieux tels que l'air, l'eau et les aliments. Dans cette perspective, la question peut être posée à l'Anses, pour des raisons réglementaires ou sociétales, de savoir où nous en sommes en matière de graduation des risques relativement au niveau de présence de ces molécules. Tout usage d'un produit – chimique ou non – se diffusant à un moment donné dans l'environnement induit un niveau de présence. Dans le domaine des pesticides et des produits phytopharmaceutiques, toute présence suscite une forte attention sociétale pour en connaître la signification.
S'agissant des produits phytopharmaceutiques, l'Anses intervient de plusieurs façons. Pour ma part, je suis chargé de l'évaluation des risques dans divers milieux. Il faut conserver à l'esprit qu'en matière de gouvernance des risques, qu'il s'agisse des actes d'évaluation et de gestion ou du regard que posent sur eux les citoyens, l'Anses intervient à plusieurs reprises.
En amont, nous intervenons dès qu'il s'agit de déterminer si un nouveau produit phytopharmaceutique doit être autorisé ou si son AMM doit être prolongée. Tant qu'il est utilisé, nous intervenons en appui des agences régionales de santé (ARS) et de nos ministères de tutelle, dès qu'il s'agit de déterminer son niveau de présence dans l'environnement. A posteriori, nous assurons la phytopharmacovigilance, qui est un outil essentiel de tout dispositif de gestion et de gouvernance des risques, en complément des évaluations menées en amont.
Cette exigence d'attention et de vérification est prévue par la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. Même si on est certain d'avoir bien fait les choses, il importe de disposer d'un mécanisme de vigilance ex post qui – c'est la spécificité de la phytopharmacovigilance – s'applique à tous les domaines, non seulement à l'eau, mais aussi à l'air ainsi qu'aux effets indésirables sur l'homme et les animaux. Nous exerçons une surveillance très transversale.
À ce propos, les habitudes et les pratiques d'appréhension et de gestion des risques induits par la présence de produits phytosanitaires varient selon le milieu.
S'agissant de l'eau, les textes réglementaires et législatifs, notamment la directive relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, dite directive « eau potable », ainsi que la directive établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau et la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA), prévoient des limites de qualité très basses. Elles ne découlent pas d'évaluations scientifiques, mais servent de signaux d'alerte précoce si la ressource en eau est non pas saturée, mais assez chargée d'une substance chimique donnée, dans une proportion de l'ordre de 0,1 microgramme par litre.
S'agissant de la qualité de l'air, c'est le contraire. Les limites réglementaires fixées pour les particules telles que les particules PM10 et PM2,5 sont au-dessus de la cible recommandée par la science, qui est difficile à atteindre, ce qui soulève la question, pour tous les acteurs – porteurs des politiques publiques, élus locaux, particuliers –, de savoir comment y parvenir.
Notre travail, en tant qu'évaluateur de risques ex ante dans le cadre législatif et réglementaire que j'ai rappelé, est d'aider les pouvoirs publics – principalement le ministère des solidarités et de la santé, les acteurs de terrain que sont les ARS et le ministère chargé de l'environnement – à fixer des repères scientifiques et à situer l'exposition aux risques.
Par ailleurs, en tant qu'agence de l'ensemble des santés – ce que nos homologues anglais appellent One health –, nous disposons de laboratoires de référence et de recherche. Ce rôle de laboratoire de référence est essentiel dans le cadre du contrôle sanitaire de l'eau qui, en France, est déployé sous l'égide des ARS par les acteurs techniques que sont les laboratoires. Véritable tour de contrôle, le laboratoire de référence est à la fois un diapason, qui s'assure que tous les laboratoires mesurent avec les mêmes règles et avec la même précision les facteurs de risque dans l'environnement, et une vigie qui regarde un peu au-delà pour identifier les éléments à creuser dans la surveillance de la qualité des eaux, qu'elles soient destinées à la consommation ou à la baignade, en vue d'aider les pouvoirs publics à améliorer leur dispositif de surveillance.