Votre première question vise finalement à savoir si l'on peut prioriser certaines molécules par rapport à d'autres. Il y a des molécules qui sont mieux connues que d'autres. Parmi les molécules connues, le DDT et le Lindane ont été interdites, d'autres sont encore utilisées. Il y a un gradient inverse entre le degré de connaissance et l'existence de nouvelles molécules. Plus une molécule est nouvelle, moins nous la connaissons, même si les industriels qui la fabriquent la connaissent très bien. Les industriels ne communiquent pas aux scientifiques publics toutes les informations dont ils disposent. Ils connaissent par exemple l'ensemble des produits de transformation, alors que nous ne les détecterons que dans dix ans. Il est donc nécessaire de rendre ce système beaucoup plus transparent.
Par ailleurs, nous testons beaucoup les effets directs des substances, par exemple un fongicide, sur tel ou tel champignon, dans l'eau et dans le sol. Ce sont des informations qui figurent dans l'autorisation de mise sur le marché. En revanche, nous testons beaucoup moins les impacts indirects de ce fongicide, par exemple sur des algues ou sur des animaux, et donc sur l'écosystème. Quel que soit le degré de priorité que nous établirons, nous rencontrerons toujours des difficultés à comprendre les effets de substances à l'échelle des écosystèmes et à déterminer les produits de transformation de ces molécules. Je suis donc très prudent sur l'idée d'agir en priorité sur certains pesticides. En outre, nous devons prendre en compte le problème de la dépendance aux pesticides. Plus nous continuerons à les utiliser, plus nous aurons besoin de molécules de substitution, plus des résistances apparaîtront et plus ils pèseront sur le budget des paysans.