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Intervention de Agathe Euzen

Réunion du mercredi 6 septembre 2023 à 10h10
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Agathe Euzen, directrice adjointe de l'institut écologie et environnement du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), responsable de la cellule eau du CNRS :

Je vous remercie d'avoir mobilisé le CNRS pour examiner l'impact des pesticides sur la qualité de l'eau. Ce sujet permet d'appréhender les enjeux environnementaux et sanitaires qui découlent de la pollution liée aux activités humaines. Comme je ne suis pas directement compétente sur le sujet, je me suis adressée à l'un de mes collègues, Gwenaël Imfeld, qui vous a transmis un document pour approfondir le sujet. Il montrera toute la complexité des pesticides et proposera quelques orientations, ce qui est aussi l'une des missions du CNRS. Ensuite, Dominique Darmendrail, avec laquelle je codirige le programme d'équipement prioritaire de recherche (PEPR) « OneWater, eau bien commun », interviendra.

Au sein du CNRS, les enjeux relatifs à l'eau s'inscrivent dans une démarche scientifique globale et systémique. Plus de 210 laboratoires, sur les 1 000 que compte l'établissement, traitent de la question de l'eau, de la molécule à la gestion, des questions culturelles, de pollution, d'écologie, de physique ou de chimie ; cela illustre la transversalité de l'ensemble des compétences et des disciplines portées par le CNRS. Ces laboratoires réunissent plus de 2 900 personnes, qui appréhendent l'eau à travers ses enjeux scientifiques, environnementaux et sociétaux. Cette organisation favorise des approches disciplinaires extrêmement variées, ce qui facilite la compréhension de la complexité du sujet, grâce à des regards, des points de vue, des méthodologies et des observations complémentaires.

Le CNRS a noué des partenariats avec le monde économique, des collectivités et des ONG pour favoriser le lien entre la science et la société, permettre un éclairage par des données scientifiques et aider à la décision.

Les laboratoires de recherche sont répartis sur l'ensemble du territoire métropolitain et ultramarin. Les recherches sont menées à des échelles très variées, des petits ruisseaux aux grands bassins-versants ou aux bassins transfrontaliers. Elles traitent de l'eau dans tous ses états – solide, liquide, gazeux –, des molécules, des isotopes, des phases, à toutes les échelles – globales, systémique. Elles s'intéressent aussi aux interfaces entre l'eau et l'atmosphère, les eaux de surface et les eaux souterraines, à la dynamique des flux dans les milieux, dans différents contextes, à la pression des activités humaines, etc. Ces recherches permettent de comprendre les dynamiques de l'eau, sa qualité, sa disponibilité, dans un contexte de changement global.

Quand nous parlons de l'eau de façon globale, nous parlons généralement du grand cycle de l'eau que nous connaissons tous, parfois du petit cycle, associé aux réseaux d'eau potable ou d'assainissement. Il est essentiel de les associer car la qualité de l'eau brute a une incidence sur les traitements à appliquer pour disposer d'une eau potable de bonne qualité. Il est essentiel de prendre en considération cette interconnexion, comme celle avec les éléments présents dans l'air, en surface et en souterrain. Nous sommes dans une approche globale, cette question ne peut pas être envisagée par silo.

Les unités mixtes de recherche (UMR) que le CNRS a constituées avec des universités ou des organismes comme le BRGM cherchent à comprendre les enjeux scientifiques, techniques, sociaux, environnementaux, économiques et industriels présents et à venir en s'appuyant également sur le passé des processus et des dynamiques de l'eau, sur des temps extrêmement longs ou plus courts, à travers la diversité des usages.

Les compétences et les savoir-faire du CNRS sont mobilisés pour répondre à l'enjeu des polluants, anciens et nouveaux, liés à nos modes de consommation et à nos pratiques actuelles et à venir, au niveau local comme au niveau global. Nous observons des emboîtements d'échelles spatiales, liés à des vulnérabilités de territoires ou à des transferts entre des territoires et nous sommes face à une diversité d'acteurs. Des actions locales peuvent avoir des impacts globaux, que ce soit en termes de décision, d'ingénierie, de gestion, etc. La recherche s'empare de l'ensemble de ces problématiques.

Nous parlerons de la détection et de l'analyse des polluants, de la bio-analyse, des bio-essais, mais aussi des risques environnementaux, sanitaires et des solutions pour y répondre.

Sur plus de 100 000 micropolluants qui ont été recensés, la surveillance et l'évaluation réglementaire ne portent que sur moins de 1 % d'entre eux. La recherche développe des capacités de mesure de plus en plus fines mais elle n'a pas la capacité d'analyser tous les impacts sur les milieux et sur la santé humaine, seuls ou en association, de toutes les substances.

Ces problématiques sont également traitées dans le cadre du programme « OneWater – Eau bien commun » copiloté et codirigé par le CNRS, le BRGM – avec Dominique Darmendrail – et l'Inrae – avec Thibault Datry. Il s'agit de réenvisager l'eau pour ce qu'elle est et non plus comme « au service de ». Nous devons en effet changer de paradigme car nous ne pouvons plus envisager l'eau comme étant abondante et coulant à flots. Il faut donc repenser l'eau, tant en termes de disponibilité que de qualité. La sécheresse a par exemple des conséquences directes sur la qualité. L'objectif du programme, prévu sur dix ans, est de réfléchir, en mobilisant les connaissances existantes et celles qui sont à produire, et de proposer de nouvelles formes de gouvernance de la gestion de l'eau, avec six défis : adaptation, empreinte, eau sentinelle, socio-écosystèmes, solutions et réponses, données à produire et à mobiliser.

Nous cherchons également à mieux connaître les pesticides, leur impact à court, moyen et long termes sur le vivant. S'intéresser aux pesticides, c'est aussi chercher à mieux comprendre les dynamiques des vivants et des milieux.

Une étude a été publiée cette année sur les effets de l'intensification des pratiques agricoles et de l'augmentation des températures sur le déclin des oiseaux en Europe. Vingt-huit pays européens ont suivi pendant 37 ans plus de 170 espèces communes sur 20 000 sites. Le nombre d'oiseaux forestiers a baissé de 18 % depuis 1980. Le nombre d'oiseaux des milieux agricoles s'est effondré de 57 %. Ils n'ont peut-être plus d'insectes à manger, les pesticides favorisant l'agriculture au détriment du vivant et de la biodiversité. Les conséquences des pesticides sur les milieux sont flagrantes en termes de biodiversité. Par ailleurs, les insectes sont des pollinisateurs essentiels, aussi pour les humains qui font partie de cet écosystème complexe. Il serait dommage de faire comme les Chinois et d'en être réduit à polliniser à la main après avoir détruit tous les insectes qui le font naturellement.

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