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Intervention de Régine Delfour

Réunion du mardi 18 juillet 2023 à 18h30
Commission d'enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d'action des groupuscules auteurs de violences à l'occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements

Régine Delfour, grand reporter à CNews :

Je couvre depuis plusieurs années des manifestations. J'ai notamment suivi celles des Gilets jaunes. Pour notre sécurité, CNews a adopté un dispositif renforcé : aucun rédacteur ni JRI n'est cité ni montré à l'antenne lors des évènements. Nous portons des protections : casque, lunettes, masque. Nous avons chacun un agent de protection. Cette mesure s'est imposée, de même que les bonnettes neutres sur les micros, afin de ne pas être reconnaissables face à la montée des violences à notre encontre. Certaines personnes nous reconnaissent néanmoins et nous prennent à partie. Au début des manifestations, ils nous prennent en photo et ils partagent les clichés sur les réseaux sociaux, ce qui leur permet de nous retrouver tout au long du cortège. Nous sommes insultés, bousculés et cibles de projectiles. Certains nous empêchent de faire notre travail.

Tout a basculé le 1er décembre 2018. Certains Gilets jaunes nous ont visés dès le départ et ils ont appelé d'autres manifestants à nous lyncher. Nous avons reçu des projectiles de différentes sortes, des bouteilles en verre voire des boules de pétanque. Ils étaient également nombreux à nous filmer tout en nous insultant.

En mars 2023, la violence est réellement montée d'un cran à Sainte-Soline. Nous disposions de plusieurs équipes, dont une avec les manifestants les moins virulents. Nous étions aussi avec les forces de l'ordre, où nous avons reçu des bombes artisanales qui ont explosé à nos pieds. Des véhicules ont été incendiés. Bien qu'ayant couvert de nombreux évènements, je n'avais jamais vu un tel déferlement de violence. La veille de la manifestation, une de nos équipes avait dû sortir du campement où elle était venue interroger les futurs manifestants : elle a subi des jets de pierres et sa voiture a reçu des projections de peinture. Cela signifie que ces violences sont désormais préméditées À Sainte-Soline, nous avons d'ailleurs dû appeler ensuite tous les organisateurs pour leur demander de passer dans le campement, afin que l'on puisse travailler sereinement.

En avril dernier, lors d'une manifestation contre la réforme des retraites, j'étais avec un JRI avenue Blanqui à Paris, quand une banque a été prise pour cible. À ce moment-là, un groupe d'individus radicaux s'est précipité sur nous. Ils ont ouvert leurs parapluies et ils ont bousculé nos agents de sécurité. En juin dernier, une de nos caméras a été cassée, comme c'est trop souvent le cas depuis plusieurs mois. Nous sommes aussi confrontés à des manifestants qui nous demandent d'effacer nos images de manière plus ou moins agressive selon les circonstances. Plus récemment, les émeutes à l'issue de la mort de Nahel ont donné lieu à de nombreuses intimidations et épisodes de violence à l'encontre des journalistes.

Je le redis : nous avons le sentiment que les journalistes sont clairement pris pour cibles. Le maintien de l'ordre a également changé de doctrine. À l'époque des Gilets jaunes, les forces de l'ordre étaient visibles sur les avenues, à l'avant et à l'arrière des cortèges. Désormais, elles sont placées dans les rues adjacentes pour intervenir rapidement. Cette nouvelle doctrine fait de nous les premières cibles sur le terrain.

À Sainte-Soline, nous étions en contact avec la préfecture. Mais dans certaines manifestations, nous avons été confrontés à des problèmes. Nous avons eu au beau montrer nos cartes de presse, les forces de l'ordre n'ont pas voulu nous laisser sortir des nasses.

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