Roger Caillois est en effet un sociologue important pour penser tant la guerre que les émeutes. Georges Bataille élabore d'ailleurs une idée similaire en philosophie : celle de l'énergie. Chaque société est toujours traversée par des énergies, qui peuvent ou non se déployer dans certains espaces : la fête traditionnelle, comme lieu de dépense exubérante des surplus d'énergie, permet par exemple à la société de se régénérer. Chez Roger Caillois, il y a déjà l'idée d'une réduction croissante de ces espaces ou d'une évolution de leur rôle. La fête, en 2023, est devenue triste, organisée, rationalisée. Elle régule beaucoup trop la dépense d'énergie, si bien que cette dernière n'a plus lieu. La guerre joue le même rôle d'exutoire d'énergie.
Que fait-on, dès lors, de ces énergies qui débordent ? J'émets l'hypothèse que l'émeute est un espace de libération de ces énergies inemployées ailleurs – dans le couple, le travail, la vie ordinaire – et finalement empêchées.