Vous expliquez que la participation à l'émeute ne procède pas d'un processus de socialisation ni d'un ressort idéologique. Il semblerait tout de même que cohabitent des objectifs très différents, notamment dans les précortèges. Certaines personnes sont présentes parce qu'elles refusent le carré syndical ou intersyndical, et qu'elles souhaitent manifester hors du cadre institutionnel de contestation. D'autres rejoignent le cortège de tête par solidarité spontanée : notre visite à Bordeaux hier nous a confirmé que des profils inattendus pouvaient s'y trouver. Enfin, on y rencontre des personnes très organisées, aux visées politiques relativement précises même si elles sont générales : je pense ici à l'ultragauche. Les services de renseignement et les forces de l'ordre parlent également d'ultra-jeunes. Avez-vous observé ce type de profil lors de vos recherches ?
Par ailleurs, nos auditions ont attiré mon attention sur l'espace de la non-violence. On a le sentiment d'une forme de glissement : des structures associatives ou des groupements de fait se disent non violents, considérant que seules les atteintes aux personnes constituent une forme de violence et renvoyant quasiment à la définition de la violence du code pénal. Au fond, les dégradations matérielles et les risques qu'elles entraînent sont tolérés, voire justifiés, en tout cas compréhensibles et compris. À Bordeaux, un élu disait entendre ces phénomènes. Avez-vous travaillé sur la désobéissance civile, sur l'espace de la non-violence et sur ce glissement vers un espace de la non-violence toujours plus violent ?