Je vais m'attacher à vous présenter les principales conclusions de cette expertise, qui peuvent être plus ou moins robustes selon les pathologies, avec cette gradation des présomptions qui vient d'être évoquée. Nous avons choisi de vous rapporter ici les présomptions fortes et moyennes de lien à l'exposition aux pesticides.
Chez l'enfant, l'expertise a conclu à un lien avec l'exposition pendant la grossesse à une famille particulière de pesticides – des organophosphorés – de certaines altérations des capacités motrices, cognitives, sensorielles, avec un niveau de présomption fort. Nous avons par ailleurs établi un lien, avec un niveau de présomption fort, entre des comportements du type internalisé, en particulier l'anxiété, et l'exposition pendant la grossesse aux pyréthrinoïdes, une autre famille de pesticides de plus en plus utilisés. Pour ces pathologies, nous avons aussi établi un lien, avec niveau de présomption moyen, avec une exposition résidentielle aux pesticides pendant la grossesse. Ici, cela fait plus référence aux usages domestiques ou à la proximité avec des activités agricoles.
C'est un résultat un peu nouveau, nous avons pu établir un lien, avec un niveau de présomption moyen, entre des comportements évocateurs de troubles du spectre autistique et l'exposition pendant la grossesse aux organophosphorés.
S'agissant des cancers, dans la précédente expertise, nous avions déjà établi un lien avec une présomption forte entre les tumeurs du système nerveux central et l'exposition professionnelle des parents pendant la période prénatale. Nous avons désormais conclu à un lien, également avec une présomption forte, avec l'exposition domestique pendant la grossesse ou pendant l'enfance. Les deux expositions – professionnelles et domestiques – sont souvent très corrélées.
Concernant les leucémies, nous avons conclu à un lien, avec une présomption forte, avec l'exposition professionnelle de la mère aux pesticides pendant la grossesse. Notre nouvelle expertise a permis d'affiner l'analyse pour les leucémies aiguës myéloïdes mais également les leucémies lymphoblastiques, qui sont les plus fréquentes. Nous avons aussi mis en évidence – nous n'avions pu le faire en 2013 – un lien entre l'exposition professionnelle paternelle et certaines leucémies aigües de type lymphoblastique, avec un niveau de présomption moyen.
Nous avons mis en évidence un lien entre certaines malformations congénitales, avec un niveau de présomption fort, et l'exposition professionnelle aux pesticides pendant la grossesse.
Pour certains problèmes de croissance fœtale ou pondérale, nous avons pu établir un lien avec une exposition pendant la grossesse à certains pesticides, notamment un métabolite du dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT), un organochloré très utilisé par le passé, ainsi qu'un autre organochloré, l'hexachlorobenzène (HCB). Le risque de mort fœtale a également été étudié dès 2013 ; nous avons à nouveau conclu, avec un niveau de présomption moyen, à un lien avec l'exposition professionnelle pendant la grossesse.
Chez les adultes, nous avons conclu, avec un niveau de présomption fort, à un lien entre la maladie de Parkinson et l'exposition professionnelle aux pesticides, en particulier les herbicides et les insecticides – plutôt les organochlorés. Nous avons également relevé, avec un niveau de présomption moyen, un lien avec l'exposition professionnelle à deux substances, le paraquat et le roténone. Pour la maladie d'Alzheimer, nous avons établi un lien, avec une présomption moyenne, avec l'exposition professionnelle aux pesticides en général.
Nous avons pu mettre en évidence un lien nouveau entre certains troubles cognitifs et l'exposition professionnelle aux organophosphorés notamment ; ce lien a également été relevé en population générale et chez les populations visant en zone agricole.
Concernant les pathologies respiratoires, le résultat principal concerne la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et également la bronchite chronique, pour lesquelles on a établi, avec un lien de présomption fort, le rôle de l'exposition professionnelle aux pesticides, sans pouvoir conclure plus finement concernant les familles de pesticides.
Nous avons par ailleurs conclu, avec une présomption moyenne, à un lien entre l'exposition professionnelle aux pesticides – au paraquat en particulier – et certaines altérations de la fonction respiratoire, l'asthme et les sifflements. Ce lien a aussi été mis en évidence en population générale s'agissant de l'exposition au DDT, ainsi que de l'exposition générale aux pesticides dans les usages domestiques pour l'asthme et les sifflements.
Concernant les cancers, de nombreuses études ont porté sur les hémopathies malignes, en particulier les lymphomes non hodgkiniens (LNH). Nous observons à nouveau un lien avec l'exposition professionnelle aux pesticides en général, mais également à différents organochlorés et organophosphorés. Un lien a également été établi, avec un niveau de présomption plus faible, avec l'exposition professionnelle à d'autres formes de pesticides, comme les carbamates ou la triasine. Nous avons aussi rehaussé le niveau de présomption concernant le lien entre ces maladies et l'exposition au chlordane et au glyphosate.
S'agissant encore des hémopathies malignes, nous avons établi un lien, avec une présomption forte, entre l'exposition professionnelle aux pesticides et le risque de myélomes multiples, et également, avec un niveau de présomption moyen, avec l'exposition à la perméthrine, en particulier chez les applicateurs de pesticides. Pour le cancer de la prostate, nous avons à nouveau établi un lien, cette fois avec un niveau de présomption fort, avec les expositions professionnelles. Pour la première fois, nous avons mis en évidence, avec un niveau de présomption moyen, le lien entre cette pathologie et l'exposition au chlordécone en population générale.
Enfin, il existe un certain nombre de pathologies pour lesquelles il n'y a pas de présomption forte de lien avec l'exposition aux pesticides, mais suffisamment de preuves pour conclure à un lien avec une exposition professionnelle avec une présomption moyenne. Il s'agit ici des troubles anxio-dépressifs, des tumeurs du système nerveux central, des leucémies, du cancer du sein, des sarcomes des tissus mous et des viscères, du cancer du rein et de la vessie, des pathologies thyroïdiennes, Ces trois dernières pathologies ont été étudiées pour la première fois dans l'expertise de 2021. Nous avons aussi mis en évidence un lien avec les problèmes de fertilité et de fécondabilité. On peut noter qu'il y a également pour ces pathologies, notamment pour le cancer du sein, un lien avec un niveau de présomption moyen avec l'exposition en population générale, notamment l'exposition au DDT pendant l'enfance. Un lien a également été établi entre certaines pathologies thyroïdiennes et l'exposition au DDT et au HCB, à la fois pour les expositions professionnelles et en population générale.