Les différents facteurs sont ceux de l'IPBES. Le classement varie selon les écosystèmes que l'on considère. Dans l'écosystème terrestre, le premier facteur de dégradation de la biodiversité est le changement d'utilisation des terres, le deuxième est l'exploitation directe des ressources (surpêche, surchasse), devant le changement climatique et la pollution exæquo. Viennent ensuite les espèces exotiques envahissantes qui colonisent les milieux et prennent la place des espèces naturelles. Dans le milieu marin, la surpêche est en première position.
À la suite de l'expertise réalisée en 2005, de nombreux travaux ont concerné la mise en place de zones tampon, soit des zones tampon enherbées – en amont des milieux aquatiques, sous forme de prairies – soit des zones humides, qu'elles soient naturelles ou artificielles. Ces zones tampons servent à limiter les écoulements et les transferts, afin qu'ils n'aillent pas jusqu'aux milieux aquatiques.
Cependant, ces zones tampons deviennent souvent à leur tour contaminées. Nous ne pouvons donc pas nous contenter de zones tampon, qui ne constituent pas des réservoirs de biodiversité. Les espèces qui y sont présentes témoignent surtout de leur adaptation à la contamination, qui a un rôle important dans la biodégradation, laquelle est également une fonction écologique. En résumé, les zones tampon ne permettent pas aux espèces sensibles de survivre. C'est la raison pour laquelle il faut également prendre en compte d'autres zones qui jouent un rôle de biotope et d'habitat naturel, pour servir de réservoir de biodiversité.
Je vous ai parlé un peu plus tôt d'une étude récente sur le déclin des populations d'oiseaux. Un des paramètres pris en considération dans l'étude a précisément été l'évolution des zones forestières. L'augmentation des zones forestières s'avère avoir un impact positif sur la biodiversité des oiseaux, qui contrebalance l'effet négatif de l'utilisation d'intrants à proximité.
Une des pistes consiste à travailler par l'entrée des services écosystémiques : tout le monde doit prendre conscience que la biodiversité joue un rôle pour le bon fonctionnement de l'écosystème mais aussi pour notre bien-être, y compris pour notre productivité agricole. Si l'on arrive à contrebalancer l'utilisation de substances problématiques par des pratiques plus vertueuses qui permettent de favoriser le rôle naturel de la biodiversité, la sensibilisation sera meilleure. L'avantage de cette approche par les services écosystémiques est de permettre aux scientifiques qui l'emploient d'obtenir des données chiffrées, notamment des données financières. Cela permet par exemple de chiffrer en milliards de dollars le coût de la perte des pollinisateurs naturels. Certes, certains pays asiatiques travaillent actuellement à la fabrication de robots pollinisateurs qui pourraient pallier les pertes des insectes.
Cette approche de services écosystémiques essaye toujours d'établir une balance entre les aspects négatifs et positifs, pour permettre de trancher à l'aide de données chiffrées. Cependant, cette sphère de la recherche est vraiment spécifique et concerne surtout les économistes et les anthropologues. De notre côté, nous évoluons plutôt dans le domaine de la science environnementale. Lors de notre étude, nous avons pu constater qu'il était parfois difficile de se comprendre et de se parler. Il existe donc un réel besoin de décloisonner la recherche et de sortir des silos. Cependant, nous progressons.
Le plan Écophyto permet de son côté de financer les recherches. Après cette audition, je dois me rendre La Défense pour participer au conseil scientifique et d'orientation d'Écophyto, afin de discuter des recherches qu'il faudrait financer. Ce comité scientifique présente ainsi l'intérêt d'associer différents chercheurs : des chimistes, des écologues, des économistes, des agronomes. C'est en réunissant tout le monde autour de la table que l'on peut identifier les enjeux et produire un discours commun.