Intervention de Jean-Noël Jouzel

Réunion du jeudi 13 juillet 2023 à 9h05
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Jean-Noël Jouzel, sociologue :

Au moment de l'interdiction de l'arsenic de soude, on s'est rendu compte que les étiquettes des bidons comportaient une erreur d'indication sur la cancérogénicité du produit. Cette affaire révèle aussi un certain désordre réglementaire, dont on peut espérer qu'il a été résolu, vingt-deux ans après l'interdiction du produit. Il n'en demeure pas moins que des produits ont pu être utilisés pendant des décennies sans que les moyens d'identifier leurs effets néfastes soient clairement indiqués à leurs utilisateurs. Je parlais un peu plus tôt des vêtements de protection, qui demeurent centraux dans la manière dont on contrôle les risques pour les agriculteurs. Jusqu'à il y a une dizaine d'années, les bidons portaient la mention « Portez des vêtements de protection appropriés », sans autre précision.

Depuis cette période, un important travail réglementaire a été effectué pour fournir lesdites précisions sur les vêtements de protection appropriés. Cependant, la philosophie demeure la même : en portant des combinaisons ou des gants, il est possible de se protéger efficacement. Pourtant, encore une fois, l'efficacité, la portabilité et l'adaptation de ces vêtements de protection demeurent plus que jamais questionnées.

Ensuite, le cas du glyphosate est intéressant, dans la mesure où il illustre les limites de la science. Le glyphosate est la substance active de l'herbicide le plus vendu au monde, le Roundup, que le centre international sur de recherche le cancer a classé comme cancérogène probable en 2015. Il a été ensuite contredit par l'écrasante majorité des agences réglementaires en charge de l'évaluation des pesticides. Dans cette affaire, l'épidémiologie fournit très peu de réponses quant à la question de savoir si le glyphosate est cancérogène pour les travailleurs qui l'emploient. L'épidémiologie donne très peu de réponses, en particulier à l'échelle d'une substance active en particulier, pour déterminer les effets cancérogènes. Quoi qu'il en soit, il ne faut donc pas tout attendre de la science. Nous n'aurons peut-être jamais la réponse à la question du bilan de l'exposition au glyphosate en matière de cancer.

Par ailleurs, ce n'est pas parce qu'un produit est naturel qu'il n'est pas dangereux. L'arsenic de soude est un minéral très dangereux. Cependant, il existe effectivement un gradient. Un pesticide a de toute manière pour fonction de faire du mal au vivant.

Enfin, les situations de l'agriculture française et de l'agriculture californienne ne sont évidemment pas identiques. Cependant, l'agriculture californienne est également hétérogène : elle ne se limite pas à sa grande vallée centrale dévolue à l'arboriculture intensive. D'autres espaces agricoles sont plus enchâssés dans des zones de résidence. Malgré tout, je le redis : les délais de réentrée sont beaucoup plus longs en Californie qu'ils ne le sont en France, on ne voit pas très bien comment cela s'explique, et cela devrait donner matière à réflexion à votre commission.

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