Intervention de Hervé Durand

Réunion du jeudi 13 juillet 2023 à 9h05
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Hervé Durand, délégué ministériel pour les alternatives aux produits phytopharmaceutiques dans les filières végétales :

En tant que sous-directeur de la qualité et de la production des végétaux, j'étais le fonctionnaire d'État qui a proposé l'interdiction de l'arsenic de soude et qui a été chargé de sa mise en œuvre. Il est faux de dire que cet épisode n'a pas engendré de débats : il s'agit d'un des rares exemples où l'on a procédé à l'interdiction des stocks avec un délai réduit à zéro. Nous avons récupéré les produits chez les viticulteurs et les avons stockés dans des mines, dans l'est de la France.

Est-ce la fin des produits phytosanitaires ? Pour l'instant, notre stratégie est de réduire notre dépendance aux produits phytosanitaires et d'élargir la palette des solutions offertes aux producteurs. Cela ne signifie pas à ce stade la fin des produits phytosanitaires. Nous voyons bien que nous ne pouvons pas continuer comme ça. De nouveaux équilibres doivent être trouvés, pour économiser sur ces produits chimiques de synthèse. Dans le cas de la viticulture, à quoi cela sert-il de désherber intégralement l'inter-rang chaque année ? Pourquoi n'arrivons-nous pas promouvoir l'enherbement systématique des vignobles ? Est-il nécessaire de désherber chimiquement dans un verger de culture pérenne chaque année ?

La consommation de ces produits chimiques doit être plus frugale. Le changement climatique va nous conduire à faire face à de nouveaux bioagresseurs. Et nous aurons certainement besoin d'avoir un certain nombre de produits phytosanitaires pour agir. Il faut donc trouver de nouveaux équilibres, qui passent cependant nécessairement par l'élargissement des alternatives.

S'agissant du glyphosate, nous avons été pragmatiques et le resserrement des utilisations et usages de ce produit a des conséquences pratiques : une diminution de 30 % de son utilisation en 2022. Ce résultat est assez notable. Par ailleurs, il faut savoir utiliser le glyphosate à bon escient. Par exemple, il ne me semble pas opportun de l'utiliser sur un sol nu. À ce titre, quand on discute avec les personnes qui pratiquent l'agriculture de conservation des sols, l'usage du glyphosate à très faible dose est assez stratégique pour détruire à un certain moment les couverts, avec des impacts assez faibles sur l'environnement.

Il n'existe pas de bons indicateurs. Il est donc nécessaire de s'appuyer sur une panoplie d'indicateurs. De fait, l'indicateur sur les quantités est particulièrement dangereux à manier. En effet, l'industrie s'est adaptée et a proposé des produits moins pondéreux à l'utilisation. Cependant, cet indicateur est le plus simple à recueillir et permet malgré tout d'effectuer des comparaisons.

En matière d'indicateurs, nous disposons également du Nodu (nombre de doses unités), qui permet d'avoir une appréciation sur les surfaces traitées. Malheureusement, cet indicateur n'est pas toujours facilement facile à appréhender quand on a entre 80 et 100 millions d'hectares de surface agricole. Un autre indicateur, plus simple à expliquer, est l'indice de fréquence de traitement (IFT), qui parle aux agriculteurs et montre les efforts fournis. En résumé, il importe surtout de considérer différents indicateurs pour avoir une idée aussi précise que possible.

S'agissant de l'exemple de la cerise, il est effectivement juste de relever que dans certains cas, l'alternative à un produit implique de plus grandes quantités ou une augmentation du nombre des substances actives. Dans ces circonstances, le bénéfice de l'opération est discutable. Cette année, pour la cerise, le début de campagne s'est plutôt bien déroulé, avant un basculement en seconde partie de campagne, avec des montées d'infestation. Désormais, la situation est telle qu'en cas de forte infestation, nous n'arrivons plus à contrôler. Nous travaillons donc pour résoudre ces problèmes. À titre d'exemple, nous cherchons à comprendre pourquoi les filets ne se développent pas plus. Dans nos travaux, nous nous attachons à combiner différents leviers : les parasitoïdes, les insectes stériles, les substances chimiques. Cependant, il faut élargir considérablement le spectre et essayer de réduire la pression des ravageurs.

Lorsque l'on parle de produits phytosanitaires au sens large, on mélange beaucoup de choses : des produits chimiques de synthèse et des produits naturels. Dans les indicateurs, nous nous appliquons à distinguer les produits chimiques de synthèse des autres produits, qui sont utilisables en agriculture biologique. Mais il ne suffit pas pour un produit de ne pas être de synthèse pour ne pas être dangereux. De fait, les produits qui ne sont pas de synthèse peuvent aussi être dangereux. Mais il existe quand même un gradient : les phrases de classement de risque appliquées aux produits dits de synthèse sont différentes de celles des produits dits naturels. En résumé, il faut avoir une vision d'ensemble et ne pas se concentrer uniquement sur les produits de synthèse. On en revient toujours à la même question : comment assurer la production des cultures sans nous embarquer dans de futurs problèmes ? Par exemple, les résidus de cuivre dans le sol, en augmentation, constituent une préoccupation.

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