Vous avez évoqué le fonds d'indemnisation, qui a été créé pour les victimes des pesticides en 2020. Il ne concerne que les travailleurs ou leur progéniture : c'est un choix politique. Ce fonds est souvent comparé au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, mais il est en réalité bien plus modeste dans sa portée. Ainsi, il ne prévoit pas de réparation intégrale du préjudice, mais une réparation forfaitaire, qui est prévue par la législation sur la réparation des maladies professionnelles. En outre, le financement de ce fonds reste en grande partie à la charge des exploitants eux-mêmes.
Le continuum recherche-développement est structurant en agriculture depuis le début du XXème siècle. Mais pendant des décennies, il s'agissait essentiellement de convertir les agriculteurs à une agriculture plus efficace, plus intensive et plus productive. Cette agriculture était particulièrement consommatrice d'intrants chimiques, en particulier de pesticides. Il est difficile d'emmener toute cette machine dans le sens inverse aujourd'hui. Nous ne pouvons que le constater, à la lumière des résultats pour le moins modestes des plans Écophyto. Il faut naturellement convaincre les agriculteurs du bien-fondé des alternatives mais ils doivent aussi se trouver dans un univers de choix réels, ni trop onéreux, ni trop complexes à mettre en œuvre.
S'agissant de notre position par rapport à nos voisins européens, je ne suis pas spécialiste mais il me semble que nous ne sommes pas les plus mauvais. Cependant, nous restons parmi les plus gros utilisateurs de produits phytosanitaires, même s'il est difficile d'établir de comparaisons normées, compte tenu de l'hétérogénéité des surfaces agricoles.
Je connais mieux la situation des États-Unis, en particulier de la Californie. Je ne prétends pas que la situation dans cet État est idéale. Cependant, en matière de contrôle des pesticides, certains choix effectués là-bas font paraître les nôtres plus timides. Par exemple, les zones de protection pour les riverains sont au maximum de 20 mètres en France, mais elles peuvent aller au-delà de 200 mètres en Californie, pour la protection de personnes sensibles. L'univers y est différent, de même que les modalités de traitement et d'épandage. Qui plus est, les délais de réentrée sont au maximum de 48 heures en France entre le moment où l'on épand les produits les plus toxiques et celui où l'on peut revenir sur la parcelle. En Californie, ils peuvent durer jusqu'à quatre semaines. Nous n'avons donc pas à rougir, mais il ne s'agit pas non plus de nous donner un satisfecit en nous comparant à pires que nous.
M. le rapporteur, vous avez ensuite demandé qui dominait. Pour ma part, je ne crois pas qu'il s'agisse d'un des ministères qui ont été cités. Aujourd'hui, dans le domaine de l'évaluation et de la gestion des pesticides, l'acteur central est l'Anses. Cet état de fait est le fruit d'une tectonique des plaques institutionnelle, qui a vu les administrations centrales se départir d'un certain nombre de prérogatives en matière d'évaluation et de gestion des risques en faveur des agences de sécurité sanitaire apparues lors du dernier quart de siècle.
En l'espèce, l'Anses est chargée de l'évaluation des risques des préparations commerciales, de leur autorisation de mise sur le marché, ainsi que la phytopharmacovigilance. Cet acteur est sans doute le plus en prise sur le sujet et le plus à même de faire évoluer la réglementation européenne, notamment les lignes directrices de l'Efsa, produit des négociations entre les agences européennes.
S'agissant de l'horizon, je partage les propos de M. Durand : nous n'avons plus tellement le choix.