Le sujet dont on parle mobilise des compétences partagées entre les ministères. Au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, nous travaillons d'arrache-pied sur ces questions. Je pense que la question n'est pas tant qui domine, mais comment être efficace, ce qui nécessite une mobilisation concertée de l'ensemble des acteurs, qui ont tous leur légitimité. Dans le domaine de la santé, les données sur la qualité des eaux témoignent d'un travail considérable réalisé. Ainsi, en 2021, 85 % des eaux distribuées sur le territoire national étaient totalement conformes. Le ministère de la transition écologique œuvre également dans ce dossier. De même, les aspects liés au travail sont essentiels.
Nous sommes plutôt en avance de phase en Europe. La négociation du règlement sur l'usage durable des pesticides (SUR) constitue naturellement un sujet d'importance. Trois États membres se sont détachés dans les discussions : l'Allemagne, les Pays-Bas et la France. Ces trois pays donnent le sentiment de vouloir aller de l'avant. La question est désormais la suivante : allons-nous réussir à nous entendre sur une vision commune, sur un niveau de réduction de l'utilisation de ces produits ? Ceci est fondamental pour harmoniser les politiques et pour nous mobiliser sur la recherche d'alternatives.
Vous avez évoqué en outre le continuum conseil – recherche – développement. Avons-nous failli ? Il est certain que nous n'avons su apporter toutes les réponses attendues. J'espère que vous pourrez auditionner des agriculteurs. En effet, la vie quotidienne sur une exploitation est compliquée aujourd'hui. À qui s'adresser sur ces questions ? Nous devons recréer un continuum. En France, nous sommes allés jusqu'au bout d'une certaine logique et nous avons tranché, en séparant le conseil et la vente des produits phytopharmaceutiques. Le bilan que l'on peut en faire aujourd'hui est plutôt contrasté : nous n'avons pas complètement réglé le problème, dans la mesure où la question de l'accompagnement des exploitants au quotidien demeure patente.
Nous ne devons pas perdre de vue la nécessité d'investir et de consacrer d'importantes sommes d'argent pour mettre au point des alternatives sérieuses et crédibles. Quelle est la vision à terme ? Cherche-t-on à supprimer les produits phytosanitaires ? À l'heure actuelle, la logique consiste à réduire les impacts et les quantités utilisés, mais il n'est pas question de les supprimer totalement. Nous cherchons à mobiliser les leviers disponibles pour crédibiliser des alternatives sérieuses.
L'histoire du glyphosate est à ce titre très instructive. La France est le premier État membre à avoir mobilisé l'évaluation comparative. Celle-ci est particulièrement intéressante : grâce à la mobilisation de l'Inrae et des instituts techniques, nous avons passé en revue les différents usages du glyphosate. En étudiant chacun de ses usages, nous avons cherché à définir des alternatives à la fois crédibles sur le plan économique et efficaces. Certaines ont ainsi pu être trouvées, ce qui nous a permis de réduire les usages du glyphosate. Aujourd'hui, un agriculteur qui laboure ses terres ne peut pas l'utiliser. En revanche, un agriculteur engagé dans des techniques de conservation des sols et de couvert permanent peut les utiliser car il n'existe pas d'alternatives.
L'horizon politique a été rattrapé en quelque sorte. Aujourd'hui, moins de 500 substances actives sont autorisées au niveau communautaire et 250 sont en cours de réévaluation. Nous n'avons plus beaucoup de temps pour agir, c'est-à-dire pour construire les solutions qui devront être proposées aux agriculteurs demain. Nous ne pourrons y arriver qu'en faisant le lien avec tout le programme d'adaptation au changement climatique. Il s'agit, là aussi, d'un continuum.